Maladies allergiques : doit-on s’inquiéter des changements climatiques ?

pollution et allergie

Températures de plus en plus élevées, augmentation des polluants atmosphériques, tempêtes, tornades, inondations, feux de forêts. Les conséquences des changements climatiques sont nombreuses et dévastatrices autant pour la Terre que pour la population. Certains associent d’ailleurs le réchauffement de la planète à une saison allergique plus intense et à un plus grand risque de développer une maladie allergique, dont la rhinite allergique, l’asthme, l’eczéma et les allergies alimentaires. Qu’en est-il au juste ?

Vers une saison des allergies de plus en plus longue et intense

Souffrez-vous d’allergies saisonnières ? Si oui, vous avez sans doute remarqué que vos symptômes sont plus sévères depuis quelques années. Vous avez peut-être aussi l’impression que vos allergies durent plus longtemps qu’avant. Vous ne rêvez pas. La saison des allergies est bel et bien plus longue et intense aujourd’hui qu’elle ne l’était auparavant. Et la tendance pourrait s’accélérer dans les prochaines années en raison des changements climatiques.

On reconnaît aujourd’hui que les changements climatiques influencent la saison des allergies. En fait, les gaz à effet de serre relâchés dans l’atmosphère, notamment le CO2 nécessaire à la croissance des végétaux, réchauffent peu à peu la planète. Puisqu’elles bénéficient plus longtemps de températures clémentes et de conditions favorables à la croissance, les plantes produisent et libèrent davantage de pollen, sur une plus longue période [3, 4].

Ainsi, on enregistre une hausse de la quantité de pollen dans l’air, ce qui a pour effet d’exacerber les symptômes des personnes souffrant d’allergies saisonnières. Entre 1990 et 2018, la concentration de pollen mesurée en Amérique du Nord s’est en effet accrue de 21 % [1]. Une étude suggère même que la concentration plus élevée de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère augmenterait la production du pollen de l’ambroisie, l’une des principales plantes associées aux allergies saisonnières [2].

Sans surprise, la saison des allergies s’étend aujourd’hui sur une période de plus en plus longue. Elle débute plus tôt au printemps et se termine plus tard à l’automne, ce qui prolonge la durée des symptômes chez les personnes allergiques [1, 3].

Vers des protéines plus allergènes ?

Certaines études suggèrent que le réchauffement climatique découlant de l’augmentation du dioxyde de carbone (CO2) dans l’air modifierait le potentiel allergène de certaines protéines. L’herbe à puce, par exemple, montre une plus grande allergénicité lorsqu’elle pousse dans un environnement où la concentration en CO2 est plus élevée [2, 6]. Des études démontrent également que les plantes produisant des allergènes alimentaires (p. ex., arachide, soya, blé, moutarde, etc.) répondent à une hausse de la température ambiante et de la quantité de CO2 dans l’atmosphère [2]. Bien que l’on ne soit pas en mesure de le confirmer pour le moment, les changements climatiques pourraient avoir un certain impact sur l’allergénicité des protéines alimentaires.

Des polluants qui prédisposent aux maladies allergiques

 Les changements climatiques sont aussi associés à une augmentation significative des polluants atmosphériques comme l’ozone et les particules fines dans les grandes villes. En plus d’être néfastes pour la planète, ces polluants irritent les poumons et peuvent provoquer des difficultés respiratoires, notamment chez les personnes asthmatiques [3, 4].

Mais ce n’est pas tout. De plus en plus d’études suggèrent que la pollution atmosphérique entraînerait une inflammation des voies respiratoires, ce qui les rendrait plus perméables aux allergènes [2]. Ce faisant, les individus seraient davantage susceptibles de présenter une maladie allergique.

Une revue systématique et méta-analyse parue en 2015 a démontré que la pollution causée par la circulation dans les villes augmentait le risque de développer un asthme pendant l’enfance [4]. Les auteurs ont aussi établi une association entre la présence de pollution atmosphérique et la sensibilisation à des allergènes alimentaires et aériens. Rappelons que la sensibilisation à un allergène est la première étape vers l’apparition d’une allergie. Des données suggèrent également que l’exposition à des polluants atmosphériques pendant l’enfance augmenterait le risque de souffrir d’un eczéma ou d’une rhinite allergique [7].  

Des chercheurs canadiens en sont venus aux mêmes conclusions en se basant sur la cohorte d’étude CHILD. Ils ont observé que les bébés exposés au dioxyde d’azote (NO2), un polluant atmosphérique, pendant leur première année de vie étaient plus susceptibles de développer une atopie à l’âge d’un an que ceux qui n’y étaient pas exposés. L’atopie, qui consiste en une réponse immunitaire exagérée face à un allergène et par la production d’IgE, peut par la suite se manifester de différentes manières (p. ex., eczéma, rhinite allergique, asthme, allergies alimentaires). Ainsi, la pollution atmosphérique augmenterait le risque de développer une allergie alimentaire en bas âge.

Alors, faut-il s’inquiéter de l’impact des changements climatiques sur les maladies allergiques ? Il semble que le réchauffement de la planète influencerait bel et bien l’apparition et la sévérité de la rhinite allergique, de l’asthme, de l’eczéma et des allergies alimentaires. Or, beaucoup de variables demeurent à ce jour inconnues. En attendant des réponses claires, continuons à protéger notre planète afin d’assurer sa santé… et la nôtre !

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[1] Anderegg, W. R. L., Abatzoglou, J. T., Anderegg, L. D. L., Bielory, L., Kinney, P. L. et Ziska, L. (2021). Anthropogenic climate change is worsening North American pollen seasons. PNAS, 118, 7, e2013284118. https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2013284118

 

[2] Beggs, P. J. et Walczyk, N. E. (2008) Impacts of climate change on plant food allergens: A previously unrecognized threat to human health. Air Qual Atmos Health 1, 119–123. https://doi.org/10.1007/s11869-008-0013-z

 

[3] Ray, C. et Ming, X. (2020). Climate change and human health: A review of allergies, autoimmunity and the microbiome. International Journal of Environmental Research and Public Health, 17, 13, 4814. https://www.mdpi.com/1660-4601/17/13/4814

 

[4] American Academy of Allergy, Asthma & Immunology. (2020, 28 septembre). Does climate change impact allergic disease? https://www.aaaai.org/Tools-for-the-Public/Conditions-Library/Allergies/Does-Climate-Change-Impact-Allergic-Disease

 

[6] Mohan, J. E., Ziska, L. H., Schlesinger, W. H., Thomas, R. B., Sicher, R. C., George, K. et Clark, J. S. Biomass and toxicity responses of poison ivy (Toxicodendron radicans) to elevated atmospheric CO2. PNAS, 103, 24, 9086-9. https://www.pnas.org/doi/epdf/10.1073/pnas.0602392103

 

[7] Bowatte, G., Lodge, C., Lowe A. J., Erbas, B., Perret, J., Abramson, M. J., Matheson, M. et Dharmage, S. C. The influence of childhood traffic-related air pollution exposure on asthma, allergy and sensitization: A systematic review and a meta-analysis of birth cohort studies. Allergy, 70, 3, 245-56. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/all.12561

 

[8] Sbihi, H., Allen, R. W., Becker, A., Brook, J. R., Mandhane, P., Scott, J. A., Sears, M. R., Subbarao, P., Takaro, T. K., Turvey, S. E et Brauer, M. (2015). Perinatal Exposure to Traffic-Related Air Pollution and Atopy at 1 Year of Age in a Multi-Center Canadian Birth Cohort Study. Environmental Health Perspectives, 123, 9, 902-8. https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/ehp.1408700