Sévérité de l’anaphylaxie : que sont les cofacteurs?

cofacteur anaphylaxie

Avez-vous déjà fait une réaction allergique anaphylactique ? À ce moment, étiez-vous plus fatigué qu’à l’habitude ? Aviez-vous attrapé la grippe ? Preniez-vous des médicaments sous ordonnance ? Voilà d’étranges questions à poser à une personne allergique, direz-vous… Pourtant, la science nous dit que ces situations font partie de celles qui pourraient bien influencer la manifestation et la sévérité d’une réaction allergique. Les coupables : les cofacteurs de l’anaphylaxie.

Des réactions allergiques plus graves

On appelle cofacteur de l’anaphylaxie une situation, une chose ou une pathologie qui augmente le risque qu’une réaction allergique survienne et/ou qu’elle soit plus sévère. On estime que les cofacteurs sont présents dans une réaction anaphylactique sur trois (30 %) chez l’adulte [1, 2]. Les enfants y seraient cependant moins sensibles. Dans la population pédiatrique, environ une réaction anaphylactique sur six (14 à 18 %) serait associée à un cofacteur [1, 2].

Mais comment les cofacteurs de l’anaphylaxie agissent-ils ?

Selon toute vraisemblance, les cofacteurs interviendraient de deux manières chez la personne allergique [1]. D’abord, ils diminueraient son seuil de tolérance à un allergène donné. Ainsi, une plus petite dose d’allergènes suffirait à déclencher une réaction allergique en présence d’un cofacteur. Ensuite, ils augmenteraient la sévérité des symptômes d’une allergie, favorisant par le fait même l’évolution de la réaction vers une anaphylaxie.

Plusieurs hypothèses ont été émises par les experts pour expliquer la manière dont les cofacteurs influencent les réactions allergiques. On croit par exemple que les cofacteurs rendraient les intestins plus perméables, ce qui favoriserait le passage des allergènes dans le sang [1, 2]. Certains pensent aussi qu’ils pourraient agir sur la libération des médiateurs chimiques (p. ex., histamine) qui sont responsables des symptômes associés à l’allergie [1].

Les cofacteurs de l’anaphylaxie les plus fréquents

Au cours des dernières années, les scientifiques ont identifié plusieurs cofacteurs pouvant exercer une influence sur la sévérité d’une réaction allergique. Voici les plus fréquents.

  • L’activité physique

Il s’agit du cofacteur le plus souvent associé à une réaction allergique, et ce, autant chez l’adulte que chez l’enfant.

Lorsqu’il est pratiqué dans les heures précédant la consommation de l’allergène (ou dans l’heure qui suit), l’exercice augmente le risque de réaction et/ou la sévérité de celle-ci chez la personne allergique [1, 2, 3, 4]. On a d’ailleurs identifié ce cofacteur depuis longtemps dans l’allergie au blé avec l’anaphylaxie induite par l’exercice.

  • La prise de certains médicaments

Plusieurs traitements médicamenteux, lorsqu’ils sont prescrits à long terme, peuvent augmenter la sévérité d’une réaction chez la personne allergique. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), plusieurs antihypertenseurs, de même que les statines et certains antiacides en font partie* [1, 2, 3, 5].

*Si vous vivez avec des allergies alimentaires et prenez des médicaments sur une base régulière, il est important de ne pas les arrêter. Si vous avez des doutes sur leur impact potentiel sur la sévérité d’une réaction allergique, discutez-en plutôt avec votre allergologue ou votre pharmacien.

  • La présence d’une infection aiguë

Ce cofacteur a d’abord été identifié chez les enfants sous immunothérapie orale [1, 3, 4]. On a en effet observé que lorsqu’ils contractaient une infection (p. ex., grippe), les jeunes étaient plus susceptibles de réagir à leur dose d’allergènes pendant l’immunothérapie. Des études devront cependant être menées pour confirmer le mécanisme d’action des microbes dans l’apparition ou l’aggravation d’une réaction allergique.

  • La fatigue

Chez la personne allergique, le manque de sommeil contribuerait à abaisser le seuil de tolérance à un allergène [1]. C’est le cas, notamment, avec l’arachide. Une étude a en effet démontré que lorsqu’une personne allergique à l’arachide est fatiguée, elle voit son seuil de tolérance diminuer de 45 % en moyenne [6]. Ainsi, une plus petite dose d’allergènes suffisait à déclencher une réaction allergique chez les participants.

La consommation d’alcool, les menstruations chez la femme et le stress émotionnel ont également été identifiés parmi les cofacteurs de l’anaphylaxie [1, 2, 3, 5].

Ces cofacteurs que l’on ne peut modifier…

On appelle cofacteurs non modulables** les cofacteurs sur lesquels on n’a aucun contrôle et donc qu’on ne peut modifier. On peut penser à l’âge ou au sexe de la personne, ou encore à certaines pathologies dont elle souffre.

Par exemple, les adolescents et les personnes âgées qui vivent avec des allergies alimentaires sont plus susceptibles que les adultes et les enfants de développer une réaction allergique sévère [3, 4]. Il en est de même pour les hommes par rapport aux femmes, ou pour ceux et celles qui souffrent de maladies cardiovasculaires ou d’asthme par comparaison aux individus en bonne santé [3, 4].

**Certains auteurs parlent de facteurs de risque de l’anaphylaxie plutôt que de cofacteurs non modulables. Dans les deux cas, ils contribuent à augmenter le risque de développer des symptômes sévères lors d’une réaction allergique et il est impossible de les modifier.

Considérer les cofacteurs pour une meilleure gestion des allergies alimentaires

C’est un fait : les cofacteurs ont le potentiel d’influencer la survenue et la sévérité d’une réaction chez la personne allergique. Qu’à cela ne tienne, vous pouvez avoir un impact sur plusieurs de ces cofacteurs.

Mais comment ?

En demeurant à l’affût de ces cofacteurs et en adoptant de bonnes habitudes de vie qui vous aideront à réduire le stress et à mieux dormir. Et si vous traversez une période stressante, que vous ressentez beaucoup de fatigue, avez attrapé la grippe ou prenez des médicaments, redoublez de vigilance pour limiter les contacts avec vos allergènes.

En étant conscient qu’il existe des cofacteurs de l’anaphylaxie, vous serez en mesure de les identifier et de les éviter plus facilement s’ils se présentent dans votre vie. Pensez-y!

Par Katia Vermette

[1] Shin, M. (2021). Food allergies and food-induced anaphylaxis: role of cofactors. Clin Exp Pediatr, 64(8):393-399. DOI 10.3345/cep.2020.01088

[2] Munoz-Cano, R. Pascal, M., Araujo, G. Goikoetxea, M. J., Valero, A. L., Picado, C. et Bartra, J. (2017). Mechanisms, cofactors, and augmenting factors involved in anaphylaxis. Frontiers in immunology, 8:1393. DOI 10.3389/fimmu.2017.01193

[3] Cardona, V., Ansotegui, I. J., Ebisaea, M. et coll. (2020). World Allergy Organization anaphylaxis guidance 2020. World Allergy Organization Journal, 13:100472. DOI 10.1016/j.waojou.2020.100472

[4] Worm, M., Francuzik, W., Renaudin, J.-M. et coll. (2017). Factors increasing the risk for severe reaction in anaphylaxis: an analysis of data from the European anaphylaxis registry. Allergy, 73(6):1322-1330. DOI 10.1111/all.13380

[5] Bradatan, E., Sabouraud, D. Pouessel, G. et Beaudoin, E. (2022). Cofacteurs de l’anaphylaxie : analyse du Réseau d’Allergi-Vigilance (2016-2020). Revue française d’allergologie, 62:133-147. DOI 10.1016/j.revsl.2021.12.011

[6] Dua, S., Ruiz-Garcia, M., Bond, S., Durham, S. R. et coll. (2019). Effect of sleep deprivation and exercise on reaction threshold in adults with peanut allergy: a randomized controlled study. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 144(6):1584-1594. DOI 10.1016/j.jaci.2019.06.038