Perdre ses allergies alimentaires
Quelles sont les chances de perdre une allergie alimentaire au cours de sa vie ? À l’heure actuelle, il est difficile de répondre à cette question, puisque plusieurs facteurs peuvent entrer en ligne de compte. On vous en présente quelques-uns ici.
Les allergies alimentaires se développent généralement au cours des deux premières années de vie d’un individu. C’est en effet pendant cette période que sont intégrés les aliments solides et que l’alimentation de l’enfant est diversifiée. Par la suite, lorsque l’enfant vieillit et qu’il devient adolescent, puis adulte, son risque de développer une allergie alimentaire tend à diminuer.
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La résolution des allergies alimentaires suivrait une tendance similaire à celle de leur apparition, c’est-à-dire que les chances de perdre une allergie seraient plus grandes pendant l’enfance, et diminueraient graduellement avec l’âge [1].
Une fois adulte, la résolution d’une allergie alimentaire devient plutôt rare. On rapporte dans la littérature quelques cas d’individus ayant perdu leur allergie alimentaire à l’âge adulte, comme cet homme de 68 ans allergique aux poissons depuis son enfance et qui mange maintenant sans problème du saumon, de la morue et du flétan à la suite de la résolution de ses allergies [2]. Ce genre de cas semble cependant faire exception à la règle.
Certaines allergies alimentaires apparues pendant l’enfance ont tendance à disparaître avec le temps. L’allergie au lait de vache est probablement la plus évidente. En effet, selon les données compilées par Iweala et ses collaborateurs [1], 19 % des enfants allergiques au lait de vache développeraient une tolérance à l’aliment à l’âge de 4 ans. Cette proportion grimperait ensuite progressivement, pour atteindre 79 % à 16 ans.
L’allergie aux œufs fait également partie des allergies alimentaires qui disparaissent souvent avant l’âge adulte. Ainsi, alors qu’à 4 ans, seulement 4 % des enfants allergiques aux œufs pouvaient en consommer sans problème, quelque 68 % d’entre eux avaient perdu leur allergie à 16 ans [1].
D’autres allergies alimentaires tendent à persister tout au long de la vie. C’est le cas entre autres de l’allergie aux arachides, qui disparaîtrait chez seulement un enfant sur cinq [3]. Il est à noter cependant que des cas de récurrence de l’allergie à l’arachide après l’atteinte d’une tolérance ont été rapportés dans la littérature [1, 3]. L’allergie aux fruits de mer persisterait aussi dans le temps dans la plupart des cas.
La présence de certains prédicteurs chez la personne allergique pourrait aider à prévoir le développement éventuel d’une tolérance à un allergène alimentaire. Ces facteurs varieraient d’un individu à l’autre et en fonction de l’aliment impliqué dans l’allergie.
Pour l’allergie au lait de vache, par exemple, on estime que le niveau d’IgE*, la réponse au test cutané et la sévérité de la dermatite atopique seraient de bons prédicteurs de sa résolution dans le temps [4]. Ainsi, un enfant allergique au lait de vache dont le niveau d’IgE est élevé, pour qui la réponse au test cutané est grande et qui présente des symptômes sévères de dermatite atopique serait moins susceptible de perdre son allergie qu’un autre dont le niveau d’IgE est bas et qui montre une faible réponse au test cutané. La présence de pathologies allergiques concomitantes (p. ex., asthme, rhinite allergique) serait aussi plus souvent associée à la persistance de l’allergie au lait de vache [1].
Pour ce qui est de l’allergie au lait de vache et aux œufs, la tolérance de la forme cuite de l’allergène s’avérerait un bon indicateur de la disparition prochaine de l’allergie [1].
Il faut cependant savoir que ces prédicteurs, lorsqu’ils sont présents, ne garantissent pas la résolution d’une allergie. Ainsi, une personne pourrait perdre son allergie malgré le maintien d’un taux élevé d’IgE. D’un autre côté, une baisse du niveau d’IgE ne signifie pas nécessairement que l’allergie disparaîtra.
*On distingue deux types d’allergies, celles qui sont médiées par les IgE et celles qui sont non médiées par les IgE. Les allergies alimentaires dont il est question dans cet article sont des allergies médiées par les IgE. Pour plus d’informations sur les types d’allergies, consulter l’article Qu’est-ce qu’une allergie alimentaire induite ou non par les IgE?
De plus en plus d’études tendent à démontrer que le microbiome joue un rôle important dans le développement et la résolution des allergies alimentaires. On sait par exemple qu’en modifiant la flore intestinale et en réduisant sa diversité, la naissance par césarienne pourrait augmenter le risque d’apparition d’une allergie alimentaire chez le nouveau-né [4].
Suivant le principe de diversité du microbiome, on croit que les probiotiques pourraient favoriser le développement d’une tolérance au lait de vache chez le nourrisson. En effet, selon une étude publiée en 2012, l’administration concomitante de la souche bactérienne Lactobacillus GG et d’une préparation commerciale de caséine hautement hydrolysée chez le nouveau-né allergique au lait de vache augmenterait la probabilité d’atteindre une tolérance à l’âge de 12 mois [5]. Selon les chercheurs, le probiotique utilisé dans l’étude, le Lactobacillus GG, favoriserait une diminution du processus inflammatoire associé à l’allergie au lait de vache, ce qui contribuerait à la résolution de l’allergie. D’autres études ont été publiées depuis en lien avec l’administration de probiotiques et l’allergie au lait de vache, mais les résultats demeurent incertains [6,7]. D’ailleurs, aucune recommandation officielle concernant l’utilisation des probiotiques dans la gestion ou le traitement des allergies alimentaires n’a été formulée jusqu’à présent.
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On a jusqu’ici parlé de la résolution naturelle d’une allergie alimentaire dans le temps. Mais, depuis quelques années, l’immunothérapie semble une avenue prometteuse dans le traitement de ce désordre immunologique. L’efficacité de l’intervention, qui consiste à provoquer ou à augmenter l’immunité d’une personne en l’exposant graduellement à des substances auxquelles elle est allergique, serait cependant liée à l’âge. En effet, plus l’immunothérapie est entreprise tôt dans la vie d’un individu, plus le traitement tend à être efficace.
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Somme toute, il est difficile de prédire qui seront les heureux qui verront leurs allergies disparaître avec le temps. Bien que certains facteurs soient associés à une plus forte probabilité de développer une tolérance à un allergène, il semble que l’équation soit plus complexe qu’on ne le pense. En attendant des données plus précises sur le sujet, gardons espoir !
[1] Iweala, O. I. (2018). Food allergy. Current Gastroenterology Reports, 20(5):17.
[2] Solensky, R. (2003). Resolution of fish allergy: a case report. Annals of Allergy, Asthma, & Immunology, 91:411-412.
[3] Neuman-Sunshine, D. L. (2012). The natural history of persistent peanut allergy. Annals of Allergy, Asthma, & Immunology, 108:326-331.
[4] Berin, C. (2019). Mechanisms that define transient versus persistent food allergy. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 143(2):453-457.
[5] Canini, R. B. (2012). Effect of Lactobacillus GG on tolerance acquisition in infants with cow’s milk allergy: A randomized trial. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 129(2):580-582.
[6] Tan-Lim, C. S. et Esteban-Ipac, N. A. (2018). Probiotics as treatment for food allergies among pediatric patients: a meta-analysis. World Allergy Organization, 11(1):25
[7] Campos Dos Santos, S., Konstantyner, T. et Rodrogues Cocco, R. (2019). Effects of probiotics in the treatment of food hypersensitivity in children: A systematic review. Allergologia et Immunopatologia, 48(1):95-104.
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