5 choses à savoir sur l’allergie alimentaire chez la personne âgée
On en découvre chaque jour sur le vieillissement et ses pathologies. Malgré tout, les allergies alimentaires chez la personne âgée demeurent un sujet relativement peu étudié. Qu’en sait-on au juste ?
Les allergies alimentaires chez les aînés seraient plus fréquentes qu’on le croit
Dans leur ensemble, les maladies allergiques affecteraient entre 5 et 10 % des aînés [1]. Mais lorsqu’on creuse du côté des allergies alimentaires, on trouve très peu de données. En effet, la grande majorité des études publiées sur la prévalence des allergies alimentaires portent sur les enfants ou les adultes plus jeunes.
Selon certains auteurs, la prévalence des allergies alimentaires diminuerait avec l’âge [2]. Les aînés seraient ainsi moins susceptibles de vivre avec une allergie alimentaire diagnostiquée que les autres tranches d’âge.
Mais attention…
L’allergie alimentaire peut persister toute la vie. Elle peut aussi se développer à n’importe quel âge. Et lorsqu’elle se développe chez la personne âgée, ses manifestations (p. ex. vomissements, diarrhées, démangeaisons, difficultés respiratoires) sont parfois confondues avec celles d’autres maladies, ce qui complique et retarde l’établissement d’un diagnostic. Ce faisant, la prévalence de l’allergie alimentaire chez les aînés pourrait être plus élevée qu’on le croit [3].
Dans ses recommandations sur le diagnostic et la prise en charge des allergies alimentaires, le comité d’experts américains du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) suggère de prendre en compte certains facteurs complémentaires chez les adultes plus âgés, tels que l’exercice physique, la consommation d’alcool ou encore l’usage d’aspirine et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. En effet, chez certaines personnes âgées, les réactions allergiques ne surviendraient qu’en présence de ces cofacteurs, lorsqu’un aliment particulier est consommé en même temps. (8)
Les crustacés et le lait figurent parmi les allergènes alimentaires les plus courants chez la personne âgée
Bien que les données demeurent limitées, les crustacés ressortent comme le groupe d’aliments le plus fréquemment impliqué dans les réactions anaphylactiques nécessitant des soins d’urgence chez les aînés, selon une étude de 2022 [4]. Cette tendance est corroborée par une étude de 2024 [7] qui souligne aussi les crustacés, en plus du lait de vache, comme aliments associés aux allergies alimentaires chez la personne âgée.
Un système immunitaire moins performant rendrait la personne âgée plus susceptible de développer une allergie alimentaire
Tout au long de la vie, deux types de réponses immunitaires évoluent en symbiose : l’immunité de type 1, dont le rôle principal est d’activer les mécanismes effecteurs dirigés contre les pathogènes intracellulaires; et l’immunité de type 2, dont le rôle attendu est la réponse contre les parasites extra-cellulaires. (Ces deux types de réponses immunitaires mènent à la production d’anticorps, distncts : il s’agit d’IgG pour l’immunité de type 1, et d’IgE pour l’immunité de type 2.)
Pour qu’une allergie se développe, il faut que le système immunitaire commette une erreur, et active la production d’IgE contre une protéine qui devrait normalement être tolérée. Ces erreurs sont favorisées lorsque l’immunité de type 2 d’un individu est anormalement active.
L’immunosénescence favoriserait en vieillissant une prédominance de la réponse Th2, et donc un déséquilibre qui les rendrait plus susceptibles de développer une allergie alimentaire [3, 6].
Notons au passage qu’un état d’inflammation chronique, souvent présent chez les aînés, contribuerait aussi à ce déséquilibre des réponses immunitaires [3, 6].
La médication de la personne âgée influencerait la sévérité d’une réaction allergique
On prescrit fréquemment des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), une classe d’antiacides, aux personnes âgées afin de diminuer l’acidité de l’estomac et prévenir les ulcères chez ceux et celles qui prennent des médicaments anti-inflammatoires pour soulager la douleur. Toutefois, en réduisant l’acidité gastrique, les IPP rendent aussi la digestion des allergènes moins efficace. Ceux-ci sont alors plus susceptibles de parcourir le système digestif sous une forme incomplètement digérée et de provoquer une réaction chez la personne allergique [2, 6].
Les IPP agissent donc comme des cofacteurs de l’anaphylaxie. Dans certains cas, ils pourraient ainsi entraîner une diminution du seuil de tolérance pour la personne allergique et augmenter la sévérité des symptômes de la réaction. D’autres médicaments fréquemment prescrits aux aînés modifient également certains aspects de la prise en charge des allergies. C’est le cas, par exemple, des β-bloquants non cardio-sélectifs, indiqués pour l’hypertension et les troubles cardiaques, qui influencent notamment la réponse à l’épinéphrine en cas de réaction [2, 6].
Le prise en charge de l’anaphylaxie par les professionnels de la santé est plus difficile pour la personne âgée que pour l’enfant ou l’adulte plus jeune
Chez l’aîné, les manifestations d’une réaction allergique peuvent être différentes de celles qui surviennent chez l’enfant ou l’adulte plus jeune. Les symptômes semblent plus subtils, moins susceptibles d’évoluer vers l’anaphylaxie et sont difficilement attribuable, par le patient, à une allergie [3, 6]. Néanmoins, lorsqu’une réaction anaphylactique survient chez la personne âgée, le traitement pourrait s’avérer plus compliqué.
Pourquoi ?
D’abord, plusieurs individus développent des troubles cardiaques en vieillissant. Le cœur devient donc plus fragile et pourrait ne pas supporter l’anaphylaxie en elle-même. De plus l’utilisation de l’épinéphrine pourrait démasquer des maladies cardiaques précédemment ignorées par l’individu*. On doit aussi considérer la médication de la personne âgée. Certains médicaments couramment prescrits aux aînés, par exemple les β-bloquants non cardio-sélectifs, peuvent réduire l’efficacité de l’épinéphrine [2].
Ensuite, la prise en charge de l’anaphylaxie chez la personne âgée s’avère est d’ailleurs associée à des hospitalisations plus longues et à des séjours plus fréquents aux soins intensifs [4].
* Même chez la personne âgée, l’administration d’épinéphrine demeure le traitement de choix dans la prise en charge de l’anaphylaxie. Cette médication devrait être administrée dès que l’on soupçonne une anaphylaxie, après quoi on doit rapidement contacter les services d’urgence.
Il est vrai que très peu d’études se sont penchées sur les allergies alimentaires chez les personnes âgées. Il faudra donc attendre encore quelque temps pour être en mesure de brosser un portrait plus clair de la situation. Toutefois, avec le vieillissement de la population partout sur la planète, de plus en plus de chercheurs s’y intéressent. Les réponses ne devraient donc plus tarder.
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[1] Milgrom, H. et Huang, Hua. (2014). Allergic disorders at a venerable age: a mini-review. Gerontology, 60(2):99-107. DOI 10.1159/000355307
[2] Jensen-Jarolin, E. et Jensen, S. A. F. (2016). Food allergies in the elderly. Annals of Allergy Asthma and Immunology, 117:472-475. DOI 10.1016/j.anai.2016.08.036
[3] De Martinis, M., Sirufo, M. M., Viscido, A. et Ginaldi, L. (2019). Food allergies and ageing. International Journal of Molecular Sciences, 20(22):5580. DOI 10.3390/ijms20225580
[4] Meir, L. R., Habbsa, S., Waquar, O. League, C., Li, T. et Jongco, A. M. (2022). Anaphylaxis among elderly emergency department parients in a large health system in New York. Annals of Allergy Asthma and Immunology, 19:63-70. DOI 10.1016/j.anai.2022.03.020
[5] Okada, H., Kuhn, C., Feillet, H. et Bach, J.-F. (2010). The “hygiene hypothesis” for autoimmune and allergic diseases: an update. Clinical & Experimental Immunology, 160(1):1-9. DOI 10.1111/j.1365-2249.2010.04139.x
[6] De Martinis, M., Sirufo, M. M., Ginaldi, L. (2017). Allergy and Ageing : An old/new emerging health issue. Ageing and Disease, 8(2):162-175. DOI 10.14336/AD.2016.0831
(7) Azzolino, D., Verdi, L., Perna, S., Baldassari, I., Cesari, M., Lucchi, T. (2024) Food allergies in older people: An emerging health problem. World Allergy Organization Journal, volume 17 (numéro 9):100967. DOI 10.1016/j.waojou.2024.100967
(8) NIAID-Sponsored Expert Panel; Boyce, JA., Assa’ad. A., Burks. AW., Jones. SM., Sampson, HA., Wood, RA., Plaut, M., Cooper, SF., Fenton, MJ., Arshad, SH., Bahna, SL., Beck, LA., Byrd-Bredbenner, C., Camargo, CA Jr., Eichenfield, L., Furuta, GT., Hanifin, JM., Jones, C., Kraft, M., … Schwaninger, JM. (2010) Guidelines for the diagnosis and management of food allergy in the United States: report of the NIAID-sponsored expert panel. Journal of Allergy & Clinical Immunology, volume 126 (supplement 6):S1-58. DOI 10.1016/j.jaci.2010.10.007
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