Traitement de l’allergie alimentaire : Et si c’était possible de faire oublier l’allergie au système immunitaire?

traitement des allergies alimentaires

Une étude fait la lumière sur un nouveau traitement prometteur de l’allergie alimentaire. Qu’en est-il au juste ?  

Selon des chercheurs de l’Université McMaster en Ontario, un médicament serait capable de faire oublier l’allergie alimentaire au système immunitaire. Déjà commercialisé au Canada sous le nom de dupilumab*, on l’utilise depuis plusieurs années pour soigner les cas modérés à sévères d’eczéma, d’asthme et de polypes nasaux. Ce qui est nouveau, c’est son utilité possible dans le traitement de l’allergie alimentaire.

* Le dupilumab est un anticorps monoclonal (anti-IL-4Rα) capable de bloquer l’action des, deux molécules impliquées dans la production des anticorps IgE (les cytokines IL-4 et IL-13).

Bloquer la production des anticorps IgE

L’idée des chercheurs était d’empêcher la production d’anticorps IgE au contact de l’aliment. On sait que les anticorps IgE provoquent les symptômes de l’allergie (p. ex., démangeaisons, enflure, difficultés respiratoires, anaphylaxie). Ainsi, en bloquant la production des anticorps IgE, il était possible de prévenir le développement de la réaction allergique.

Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont utilisé ce que l’on appelle un anti-IL-4α, commercialisé au Canada sous le nom de dupilumab, afin de bloquer, dans un modèle d’allergie à l’arachide, les signaux de certaines cytokines (IL-4 et IL-13).

D’abord observés in vitro dans une culture de cellules sanguines provenant d’individus allergiques à l’arachide, l’expérience a par la suite été reproduite chez la souris. L’étude du professeur Manel Jordana et son équipe a été publiée dans la revue Journal of Allergy and Clinical Immunology.

Traiter l’allergie alimentaire en reprogrammant le système immunitaire

Dans le cas d’une allergie alimentaire, la quantité d’anticorps IgE qui circule dans le corps tend à diminuer quand la personne n’entre pas en contact avec l’allergène pendant une longue période. Dans certains cas, elle développe éventuellement une tolérance et l’allergie disparaît d’elle-même avec le temps. Il arrive toutefois que l’allergie persiste toute la vie durant, malgré des périodes prolongées sans contact avec l’allergène. C’est souvent le cas, par exemple, pour l’allergie à l’arachide.

On pense que la persistance de l’allergie serait due à l’action de cellules mémoires. Lors d’une réexposition à l’allergène, ces cellules se régénéreraient et entraîneraient la production de nouveaux anticorps IgE capables de provoquer une réaction allergique [1].

Mais les recherches du professeur Manel Jordana et son équipe montrent un résultat intéressant. En plus de bloquer la production des anticorps IgE et d’empêcher le développement d’une réaction allergique, le dupilumab (ou anti-IL-4Rα) préviendrait aussi la réactivation des cellules mémoires. Son effet perdurait même après la fin du traitement chez la souris. On peut donc croire à une possible reprogrammation des cellules impliquées, faisant en sorte que le système immunitaire oublie l’allergie.

Évidemment, il est encore trop tôt pour confirmer ces résultats chez l’humain, puisque les études portaient sur la souris. Mais ce nouveau traitement de l’allergie alimentaire semble tout de même prometteur.

Induire une tolérance avec le dupilumab : un cas isolé ?

En 2018, des médecins espagnols ont rapporté dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology : In Practice le cas d’une jeune femme ayant développé une tolérance au maïs et à la pistache [2]. La dame, au départ allergique au maïs et à plusieurs noix, souffrait également de dermatite atopique sévère pour laquelle elle avait reçu le dupilumab. Après avoir écarté d’autres explications possibles, les auteurs ont conclu que le médicament avait favorisé chez la patiente l’acquisition d’une tolérance au maïs et à la pistache.

Selon toute vraisemblance, le cas de cette jeune femme était le premier à suggérer un possible effet thérapeutique du dupilumab chez la personne allergique. Mais avec les résultats prometteurs des chercheurs de l’Université McMaster, le dupilumab pourrait-il devenir un outil de plus dans le coffre des allergologues pour traiter les allergies alimentaires ?

Un nouveau traitement de l’allergie alimentaire pour maintenir l’effet de l’immunothérapie orale

Les résultats de l’équipe de Manel Jordana suggèrent que le dupilumab, pourrait favoriser une certaine reprogrammation du système immunitaire afin de lui faire oublier l’allergie. Dans ce contexte, il pourrait rendre l’immunothérapie orale plus efficace en favorisant la persistance de la tolérance dans le temps.

À l’heure actuelle, plusieurs études cliniques de phase 2 ou 3 portant sur l’efficacité du dupilumab lors d’une immunothérapie orale sont en cours ou ont pris fin récemment. Ces études ciblent pour la plupart des enfants allergiques à l’arachide. D’autres études cliniques visent plutôt à évaluer l’efficacité du dupilumab seul (en monothérapie) chez les personnes allergiques à l’arachide, mais aussi à d’autres noix, au lait de vache, au soja et aux œufs.

Alors que l’on utilise surtout l’immunothérapie chez les enfants, le dupilumab pourrait éventuellement changer la donne. Il pourrait effectivement permettre à des adultes de compléter avec succès ce genre de traitement. Une étude est d’ailleurs en cours pour évaluer si le médicament favorise l’atteinte d’une tolérance au lait de vache chez des participants de 4 à 50 ans.

Sans aucun doute, les traitements biologiques comme le dupilumab semblent prometteurs pour induire une tolérance chez la personne allergique. Il faudra certainement encore quelques mois, voire quelques années, avant que les résultats des études cliniques soient publiés et que l’on puisse confirmer l’efficacité du médicament.

Nos contenus et services gratuits vous tiennent à cœur?

Faites la différence dès maintenant! 

[1] Bruton, K., Spill, P., Vohra, S., Baribeau, O., Manzoor, S., et coll. (avril 2021). Interrupting reactivation of immunologic memory diverts the allergic response and prevents anaphylaxis. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 147(4):1381-1392. DOI 10.1016/j.jaci.2020.11.042

[2] Rial, M. J., Barroso, B. et Sastre, J. (1er août 2018). Dupilumab for treatment of food allergy. Journal of Allergy and Clinical Immunology: In Practice, 7(2):673-674. DOI 10.1016/j.jaip.2018.07-027.