Peut-on mieux contrôler l’eczéma en évitant certains aliments ?

Eczéma contrôler

Une nouvelle étude vient faire le point sur la pertinence d’éliminer des aliments de sa diète pour mieux contrôler l’eczéma.  

Si vous ou votre enfant souffrez d’eczéma, vous avez peut-être déjà envisagé l’exclusion de certains aliments ayant la mauvaise réputation d’aggraver les problèmes cutanés. On peut penser, par exemple, aux produits laitiers, aux tomates ou au chocolat. Mais l’élimination de ces aliments permet-elle réellement d’améliorer les symptômes de l’eczéma ? Alors que plusieurs experts s’interrogent sur le sujet, de nouvelles données pourraient faire pencher la balance.

Des déclencheurs alimentaires de l’eczéma

On soupçonne depuis longtemps un lien entre l’alimentation et l’exacerbation des symptômes d’eczéma, aussi appelé dermatite atopique. En fait, chez certaines personnes, l’eczéma se déclenche ou s’aggrave dans les heures ou dans les jours suivant l’ingestion d’un aliment. On observe notamment une intensification des démangeaisons et l’apparition de rougeurs caractéristiques de la dermatite atopique.

Le lait, les œufs, le soya et le blé ont été identifiés comme des déclencheurs potentiels de l’eczéma au fil des années [1]. Les enfants qui souffrent de dermatite atopique seraient d’ailleurs plus nombreux que les adultes à présenter une détérioration de leurs symptômes après la consommation de ces aliments [1].  

Dans ce contexte, la diète d’élimination est apparue comme une solution prometteuse pour mieux contrôler l’eczéma, notamment chez les plus jeunes. En gros, on exclut tout aliment qui exacerbe la dermatite atopique. Mais qu’en dit la science ?

La diète d’élimination améliorerait légèrement l’eczéma…

L’influence de l’alimentation sur les symptômes de la dermatite atopique est pour le moins complexe. Plusieurs se sont penchés sur le sujet au cours des dernières années, sans toutefois en arriver à déterminer avec certitude si les aliments affectaient réellement la sévérité de l’eczéma chez ceux et celles qui en souffrent.

Récemment, une revue systématique et méta-analyse* a apporté un élément de réponse. Les auteurs de la recherche, parue dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology, ont évalué les avantages et les inconvénients de la diète d’élimination chez les personnes qui présentent une dermatite atopique, en se basant sur les résultats de 10 études cliniques randomisées [2].

* Une revue systématique consiste en une synthèse rigoureuse, objective et reproductible des résultats de plusieurs études originales sur un sujet donné. De son côté, la méta-analyse synthétise de manière statistique les données d’études, ce qui permet de résumer leurs résultats. Ensemble, la revue systématique et la méta-analyse sont associées aux niveaux de preuve les plus élevés.  

L’équipe de chercheurs a conclu qu’une diète d’élimination avait le potentiel d’améliorer la dermatite atopique. Or, cette amélioration était subtile. En effet, le score moyen associé à la sévérité de l’eczéma passait de 50 % chez les participants ayant une alimentation normale à 41 % chez ceux qui avaient entamé une diète d’élimination. Dans ce dernier groupe, les participants notaient également une légère diminution des démangeaisons liées à l’eczéma et un sommeil un peu plus récupérateur. Selon les auteurs, les aliments seraient donc des contributeurs mineurs dans l’apparition d’un épisode d’eczéma ou dans l’exacerbation des symptômes.

… mais augmenterait le risque de développer une allergie alimentaire

Selon toute vraisemblance, l’exclusion de certains aliments par les personnes qui souffrent d’eczéma permettrait de diminuer légèrement leurs symptômes. Mais cette amélioration en vaut-elle la peine ?

Les diètes d’élimination montrent plusieurs inconvénients. D’abord, l’évitement d’aliments amène de nombreuses restrictions alimentaires qui peuvent avoir un impact sur la qualité de vie et la santé. Ces diètes augmentent par exemple le risque de carences nutritionnelles, notamment chez les enfants [3].

Les auteurs de la revue systématique et méta-analyse avancent également que les diètes d’élimination chez les enfants qui présentent une dermatite atopique seraient indirectement associées à un risque plus grand de développer une allergie alimentaire [2].

On sait depuis longtemps que la présence d’une dermatite atopique chez l’enfant le rend plus susceptible de souffrir d’une allergie alimentaire, surtout si les symptômes sont sévères et persistants dans le temps [4]. Plus précisément, l’eczéma augmenterait de six fois le risque d’allergie aux œufs et de 11 fois le risque d’allergie aux arachides [5].

Et quel est le lien avec la diète d’élimination ?

De plus en plus d’études apportent des preuves que l’évitement de certains aliments allergènes chez les enfants qui présentent une dermatite atopique constituerait un facteur de risque supplémentaire pour l’apparition d’une allergie alimentaire [2]. Au contraire, l’introduction précoce des aliments allergènes dans l’alimentation protégerait le nourrisson qui souffre d’eczéma [6].

Un point de pratique a d’ailleurs été publié récemment dans le Canadian Medical Association Journal [7]. On peut notamment y lire que l’évitement de certains aliments pourrait ne pas améliorer la dermatite atopique chez les enfants et qu’elle pourrait même favoriser l’apparition d’une allergie alimentaire.

Alors, peut-on mieux contrôler l’eczéma en excluant certains aliments de son régime ? C’est possible. Toutefois, une diète d’élimination semble aussi augmenter le risque de développer une allergie alimentaire. Dans ce contexte, avant de mettre de côté des aliments dans le but d’améliorer un eczéma, mieux vaut en discuter avec un allergologue ou un médecin.

 

[1]    Breuer, K., Heratizadeh, A., Wulf, A., Baumann, U., Constien, A., Tetau, D., Kapp, A. et Werfel, T. (2004). Late eczematous reactions to food in children with atopic dermatitis. Clinical and Experimental Allergy : Journal of the British Society for Allergy and Clinical Immunology, 34(5), 817–824. https://doi.org/10.1111/j.1365-2222.2004.1953.x

[2]    Oykhman, P., Dookie, J., Al-Rammahy, H., de Benedetto, A., Asiniwasis, R. N., LeBovidge, J., Wang, J., Ong, P. Y., Lio, P., Gutierrez, A., Capozza, K., Martin, S. A., Frazier, W., Wheeler, K., Boguniewicz, M., Spergel, J. M., Greenhawt, M., Silverberg, J. I., Schneider, L. et Chu, D. K. (2022). Dietary Elimination for the Treatment of Atopic Dermatitis: A Systematic Review and Meta-Analysis. The Journal of Allergy and Clinical Immunology. In practice, 10(10), 2657–2666.e8. https://doi.org/10.1016/j.jaip.2022.06.044

[3]    Meyer R. (2018). Nutritional disorders resulting from food allergy in children. Pediatric Allergy and Immunology : Official publication of the European Society of Pediatric Allergy and Immunology, 29(7), 689–704. https://doi.org/10.1111/pai.12960

[4]    Tsakok, T., Marrs, T., Mohsin, M., Baron, S., du Toit, G., Till, S., & Flohr, C. (2016). Does atopic dermatitis cause food allergy? A systematic review. The Journal of Allergy and Clinical Immunology, 137(4), 1071–1078. https://doi.org/10.1016/j.jaci.2015.10.049

[5]    Martin, P. E., Eckert, J. K., Koplin, J. J., Lowe, A. J., Gurrin, L. C., Dharmage, S. C., Vuillermin, P., Tang, M. L., Ponsonby, A. L., Matheson, M., Hill, D. J., Allen, K. J. et HealthNuts Study Investigators (2015). Which infants with eczema are at risk of food allergy? Results from a population-based cohort. Clinical and Experimental Allergy : Journal of the British Society for Allergy and Clinical Immunology, 45(1), 255–264. https://doi.org/10.1111/cea.12406

[6]    Du Toit, G., Roberts, G., Sayre, P. H., Bahnson, H. T., Radulovic, S., Santos, A. F., Brough, H. A., Phippard, D., Basting, M., Feeney, M., Turcanu, V., Sever, M. L., Gomez Lorenzo, M., Plaut, M., Lack, G. et LEAP Study Team (2015). Randomized trial of peanut consumption in infants at risk for peanut allergy. The New England Journal of Medicine, 372(9), 803–813. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1414850

[7]    Whalen-Browne, A., Williams, H. C. et Chu, D. K. (2022). Managing atopic dermatitis in infants. CMAJ : Canadian Medical Association Journal, 194(43), E1485. https://doi.org/10.1503/cmaj.212094