Anaphylaxie : des options alternatives à l’auto-injecteur

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L’auto-injecteur d’épinéphrine constitue le seul traitement recommandé pour contrer les réactions allergiques graves (anaphylaxie). D’un côté, il est sécuritaire et très efficace si vous présentez une réaction allergique. En d’autres mots : il sauve des vies. D’un autre côté, on identifie plusieurs barrières à son utilisation. Par exemple, il s’injecte dans le muscle à l’aide d’une aiguille, ce qui peut faire peur ou incommoder certaines personnes. Il est aussi dispendieux. Pourrait-on faire mieux ?

Au cours des dernières années, les chercheurs ont étudié des options de rechange à l’auto-injecteur d’épinéphrine. Voici les formulations prometteuses qui pourraient voir le jour prochainement [1]. 

L’épinéphrine intranasale 

On étudie la formulation intranasale de l’épinéphrine depuis plusieurs années. En gros, on utilise un dispositif qui vaporise des gouttelettes contenant l’épinéphrine directement sur les muqueuses du nez. Les muqueuses nasales étant très minces et vascularisées (de nombreux petits vaisseaux sanguins s’y trouvent), le médicament peut donc être absorbé rapidement dans la circulation sanguine pour y produire son effet. Il s’agit là d’un très grand avantage, puisqu’en cas d’anaphylaxie, le facteur temps se veut déterminant.  

Les données publiées jusqu’à maintenant sur l’épinéphrine intranasale ne montrent aucun effet secondaire important associé à son administration. Les études cliniques confirment également que les formulations nasale et injectable sont bioéquivalentes. Cela signifie que le médicament atteint la circulation sanguine à la même vitesse (même un peu plus rapidement pour l’épinéphrine intranasale) et à des quantités comparables dans le sang pour les deux formulations. On considère alors que les médicaments sont aussi efficaces l’un que l’autre.

Quelques mots sur les études de bioéquivalence

Avant d’obtenir l’approbation des agences gouvernementales pour commercialiser un médicament, les compagnies pharmaceutiques doivent faire la preuve que la molécule s’avère efficace et sécuritaire. Ce fut le cas pour les auto-injecteurs d’épinéphrine.

Si la compagnie désire vendre le médicament sous une forme différente (p. ex., une nouvelle formulation intranasale pour l’épinéphrine), elle doit démontrer que cette formulation est bioéquivalente à la première. Pour ce faire, elle comparera différents paramètres du nouveau médicament à celui déjà commercialisé, dont la concentration sanguine qui résulte de l’administration de chacune des formulations. Si ces concentrations se montrent similaires, on dira que les formulations sont bioéquivalentes, et donc aussi efficaces l’une que l’autre.

Les compagnies pharmaceutiques ont également recours aux études de bioéquivalence avant la mise en marché des médicaments génériques.

Au moment d’écrire ces lignes, un dispositif intranasal d’épinéphrine, le Neffy (vaporisateur nasal d’épinéphrine 1 mg), est en attente d’approbation par la Food and Drug Administration aux États-Unis. 

Une pilule sous la langue

Avez-vous déjà pris un médicament en le laissant fondre sous la langue ? Il s’agit de la voie sublinguale, qui constitue une autre voie d’administration d’intérêt pour l’épinéphrine. En effet, on retrouve sous la langue de nombreux vaisseaux sanguins qui facilitent l’absorption directe et rapide de certaines molécules dans le sang.

On étudie la voie sublinguale pour l’administration de l’épinéphrine depuis le début des années 2000. Jusqu’à présent, les recherches, ayant surtout porté sur les animaux, se sont butées à un enjeu de taille. En effet, pour obtenir une concentration sanguine équivalente à celle d’un auto-injecteur de 0,3 mg, on devait déposer sous la langue un comprimé de 40 mg d’épinéphrine [2]. L’absorption sublinguale de l’épinéphrine en comprimés était donc loin d’être optimale.

Pour surmonter les problèmes d’absorption avec la voie sublinguale, la compagnie pharmaceutique Aquestive a développé un polymère qui se présente sous la forme d’un film. Ce film, placé sous la langue et dont les dimensions ressemblent à celles d’une carte de crédit, permet de libérer plus rapidement les molécules d’épinéphrine qu’un comprimé, ce qui accélère l’assimilation du médicament dans le sang.

Selon les données disponibles jusqu’à présent et basées sur des études de bioéquivalence, le film sublingual montrerait une efficacité similaire à celle de l’auto-injecteur dans le traitement de l’anaphylaxie. Et que dire de sa petite taille, qui favorise le transport du dispositif à même un portefeuille ! Les études de la pharmaceutique se poursuivront au cours des prochaines années pour confirmer ces résultats.

Une injection sans aiguille

Imaginez un monde où l’on pourrait injecter un médicament… sans utiliser d’aiguille ! Ce monde pourrait bientôt devenir réalité. 

L’entreprise française Crossject a mis au point un dispositif qui pourrait révolutionner le traitement de l’anaphylaxie : l’auto-injecteur sans aiguille Zeneo®. Ce dispositif, actuellement à l’étude pour l’administration de divers médicaments d’urgence (crises d’asthme, crises d’épilepsie, surdoses d’opioïdes), propulse le médicament à très grande vitesse dans la peau, permettant ainsi une administration intramusculaire sans avoir à recourir à une aiguille. Le médicament pénètre la peau à une profondeur d’environ 30 mm, le tout en moins d’un dixième de seconde [1]. Les données disponibles jusqu’à maintenant tendent à confirmer la bioéquivalence de l’épinéphrine utilisant le dispositif Zeneo® par rapport à l’auto-injecteur traditionnel muni d’une aiguille.

Évidemment, même si ces nouvelles formulations de l’épinéphrine semblent très prometteuses pour diversifier les options de traitement de l’anaphylaxie, elles continuent d’être étudiées pour confirmer leur efficacité et leur sécurité. Mais dans quelques années, l’auto-injecteur aura peut-être bientôt de la compétition !

[1] Boswell, B. Rudders, S. A. et Brown, J. C. (2021). Emerging therapies in anaphylaxis: Alternatives to intramuscular administration of epinephrine. Current Allergy and Asthma Reports, 21:18. DOI 10.1007/s11882-021-00994-0

 

[2] Rawas-Qalaji, M. M., Simons, F. E. et Simons, K. J. (2006). Sublingual epinephrine tablets versus intramuscular injection of epinephrine: dose equivalence for potential treatment of anaphylaxis. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 117(2):398-403. DOI 10.1016/j.jaci.2005.12.1310

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