Connaissez-vous l’allergie au cannabis ?

Le cannabis, ou marijuana, contient des allergènes capables de provoquer une réaction allergique, voire une anaphylaxie.
Le premier cas d’allergie au cannabis rapporté dans la littérature remonte à l’année 1971 [1]. Il s’agissait d’une femme de 29 ans qui présentait de la congestion nasale, des démangeaisons, une respiration sifflante et des difficultés respiratoires lorsqu’elle fumait du cannabis ou qu’elle était exposée à sa fumée.
Depuis, les cas d’allergie au cannabis se sont multipliés un peu partout sur la planète. Le nombre de cas signalés pourrait être lié à la légalisation du cannabis, bien que la prévalence exacte demeure inconnue. Voici ce que l’on sait aujourd’hui sur cette allergie encore méconnue.
Des manifestations variables
L’allergie au cannabis est une allergie induite par les IgE qui peut survenir chez l’individu allergique lorsqu’il fume du cannabis (inhalation) ou qu’il mange un aliment qui en contient (ingestion)*. Dans certains cas, une réaction peut aussi se manifester si la personne allergique se trouve dans une pièce où du cannabis est fumée.
Les symptômes d’une réaction allergique au cannabis apparaissent le plus souvent dans les 30 minutes suivant son ingestion, son inhalation ou un une exposition à la fumée. Parmi les manifestations les plus fréquentes, notons la congestion nasale, une démangeaison des yeux, de la bouche et de la gorge, une exacerbation de l’asthme, des troubles digestifs (p. ex., nausées, vomissements, diarrhées), une urticaire, une respiration sifflante, de la toux, et même une anaphylaxie [2, 3, 4].
Notons que les symptômes de l’allergie au cannabis peuvent varier d’un individu à l’autre et d’une réaction à l’autre. Des cofacteurs comme l’alcool, l’exercice physique et la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pourraient aussi agir comme des cofacteurs susceptibles d’augmenter le risque qu’une réaction allergique au cannabis survienne ou qu’elle soit plus sévère [2, 3, 4].
* Les produits contenant du CBD, dont les huiles, sont également susceptibles de provoquer des réactions allergiques. On en connait cependant peu sur ces allergies, qui seraient possiblement liées à des allergènes contenus dans les ingrédients composant le produit plutôt que le CBD en lui-même. De plus, il n’est pas exclu que les huiles puissent contenir des allergènes reconnus du cannabis (voir la section suivante).
Des réactions allergiques parfois localisées
L’allergie au cannabis se manifeste chez certaines personnes par une réaction cutanée localisée qui se produit à la suite d’un contact direct de la plante de cannabis avec la peau [2, 3]. Apparaît alors une dermatite de contact allergique, ou urticaire de contact, qui se manifeste par une éruption cutanée et des démangeaisons au point de contact.
Plus d’une protéine allergène en cause
Plusieurs protéines allergènes ont été identifiées dans la plante de cannabis [2, 4]. Quatre d’entre elles (Can s 2, Can s 3, Can s 4 et Can s 5) sont officiellement reconnues par le sous-comité attitré à la nomenclature des allergènes de l’Organisation mondiale de la santé et de l’International Union of Immunological Societies [3].
Parmi les protéines les plus fréquemment associées à des réactions allergiques à la plante de cannabis, notons la protéine Can s 3, qui se trouve être une protéine de transfert lipidique (LTP) dont le rôle consiste à protéger la plante des stresseurs (p. ex., chaleur, sécheresse). Il existe plusieurs types de LTP, qui sont d’ailleurs présentes dans de nombreux végétaux.
La protéine Can s 3 du cannabis partagerait certaines structures avec d’autres LTP retrouvées, par exemple, dans des fruits et légumes [4]. Ces ressemblances structurelles pourraient expliquer le fait que des individus allergiques au cannabis réagissent aussi à d’autres aliments, entre autres la pêche, l’arachide, la tomate, la pomme, le blé, le vin et la bière, ce que l’on appelle une allergie croisée [2, 3]. L’allergie au pollen serait également présente chez plusieurs personnes allergiques au cannabis.
Notons qu’à ce jour, relativement peu d’études se sont penchées sur l’allergie au cannabis. Ainsi, à l’heure actuelle, la prévalence de cette allergie et celle des allergies croisées associées ne sont pas connues.
Un diagnostic parfois difficile à établir
Le diagnostic de l’allergie au cannabis repose principalement sur l’histoire clinique. Le médecin interrogera par exemple la personne qui présente des symptômes indicatifs d’une allergie au cannabis sur ses réactions antérieures et sur la nature et la sévérité de ses symptômes**. Ces informations permettront à ce professionnel de la santé d’établir un lien ou non entre l’inhalation ou la consommation du cannabis et la réaction du patient [3, 4].
Les tests cutanés (prick tests) sont aussi parfois utilisés pour confirmer l’allergie, mais ils pourraient ne pas être très précis, entre autres en raison des ressemblances structurelles des protéines du cannabis avec celle d’autres allergènes [2, 4]. L’analyse sanguine des IgE associés au cannabis, de son côté, n’est toujours pas disponible sur le marché canadien [2].
Dans tous les cas, l’allergie au cannabis demeure, encore aujourd’hui, une allergie peu connue. Dans ce contexte, des membres de l’American College of Asthma Allergy and Immunology, de l’European Academy of Allergy and Clinical Immunology et de la Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique ont formé un comité mixte, le Cannabis Allergy Interest Group. Dans une récente publication, le comité proposait un plan d’action dans le but d’améliorer les connaissances entourant l’allergie au cannabis, son diagnostic et sa prise en charge [3]. Espérons que les prochaines années permettront d’en apprendre un peu plus sur cette allergie.
* * Certaines manifestations de l’allergie au cannabis, lorsqu’elles sont légères et qu’elles affectent seulement les voies respiratoires, pourraient être confondues avec l’asthme ou la rhinite allergique. Il peut dès lors s’avérer difficile d’établir le diagnostic.
Références
[1] Liskow, B., Liss, J. L. et Parker, C. W. (1971). Allergy to marihuana. Annals of Internal Medicine, 75(4), 571–573. https://doi.org/10.7326/0003-4819-75-4-571
[2] Caron, A. (2024, octobre). Allergie au cannabis. Association des allergologues et immunologues du Québec. https://www.allerg.qc.ca/Information_allergique/p2c_allergie_au_cannabis.html#:~:text=respiratoire%20%3A%20rhino%2Dconjonctivite%20et%20asthme,syst%C3%A9mique%20%3A%20anaphylaxie
[3] Skypala, I. J., Jeimy, S., Brucker, H., Nayak, A. P., Decuyper, I. I., Bernstein, J. A., Connors, L., Kanani, A., Klimek, L., Lo, S. C. R., Murphy, K. R., Nanda, A., Poole, J. A., Walusiak-Skorupa, J., Sussman, G., Zeiger, J. S., Goodman, R. E., Ellis, A. K., Silvers, W. S., Ebo, D. G., … International Cannabis Allergy Collaboration. (2022). Cannabis-related allergies: An international overview and consensus recommendations. Allergy, 77(7), 2038-2052. https://doi.org/10.1111/all.15237
[4] Toscano, A., Ebo, D. G., Abbas, K., Brucker, H., Decuyper, I. I., Naimi, D., Nanda, A., Nayak, A. P., Skypala, I. J., Sussman, G., Zeiger, J. S., Silvers, W. S. et International Cannabis Allergy Collaboration. (2023). A review of cannabis allergy in the early days of legalization. Annals of Allergy, Asthma & Immunology, 130(3), 288-295. https://doi.org/10.1016/j.anai.2022.10.016
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