La transformation des aliments et l’allergie alimentaire

Par Katia Vermette, rédactrice

On transforme les aliments depuis belle lurette. Nous découpons et cuisons la viande, pasteurisons le lait et faisons des conserves. Que ce soit pour préserver les aliments, pour les rendre propres et sûrs à la consommation ou pour en améliorer le goût, la transformation alimentaire nous est indispensable.

Sachant que la réaction allergique est provoquée par une réponse exagérée du système immunitaire face à des protéines allergènes, quel impact la transformation alimentaire peut-elle avoir sur le potentiel allergène (allergénicité) d’un aliment?

La transformation alimentaire se définit comme « l’ensemble des opérations qui consistent à fabriquer, à partir de produits agroalimentaires, de produits alimentaires intermédiaires (PAI) ou de nutriments, des produits alimentaires propres à la consommation[i] » (Office québécois de la langue française, 2001). On appelle traitement alimentaire les opérations et les procédés utilisés dans le cadre de la transformation des aliments. Ainsi, la chaleur (cuisson, ébullition, etc.), le froid (réfrigération, congélation, etc.), l’ajout d’enzymes (produits laitiers sans lactose) et la filtration sont autant de traitements pouvant servir à la transformation d’un aliment.

Revenons maintenant à nos protéines alimentaires, celles-là mêmes qui sont à l’origine des réactions allergiques. Il faut d’abord savoir que la sensibilité d’une protéine à un traitement alimentaire dépend de plusieurs facteurs, notamment de ses propriétés physicochimiques, du traitement utilisé et de la durée d’exposition de la protéine à ce traitement[ii]. Dans le cas des réactions allergiques de type anaphylactiques (ex. : arachides, lait, œufs, etc.), les protéines allergènes sont souvent résistantes à la transformation alimentaire, c’est-à-dire que leur structure n’est pas facilement modifiable2. Et pour pouvoir altérer l’allergénicité d’une protéine, il faut pouvoir en modifier la structure.

Au cours des dernières années, plusieurs études ont montré que les traitements alimentaires, notamment ceux utilisant la chaleur, pouvaient affecter le potentiel allergène d’un aliment. Rappelons-nous que pour qu’une réaction allergique survienne, les anticorps de type IgE doivent pouvoir détecter la présence d’une protéine allergène, ce qu’ils font en reconnaissant leur structure spécifique. Si cette structure est altérée, que ce soit directement par le processus de traitement ou indirectement par la formation d’agrégats entre les protéines et d’autres constituants de l’aliment, les IgE pourraient avoir plus ou moins de difficulté à reconnaître la protéine et à induire une réaction allergique. Ainsi :

1 – Si les IgE ont plus de difficulté à reconnaître une protéine, on observera une diminution de l’allergénicité de l’aliment. En fait, c’est comme si l’on essayait d’enfiler des souliers lorsque nos pieds sont enflés : nous y arriverons probablement, mais avec plus de difficulté qu’à l’habitude, et nous ne serons pas très confortables!

C’est ce qui se passe notamment dans le cas du lait de vache, lorsqu’il est soumis à la chaleur. En fait, on estime que jusqu’à 73 % des enfants allergiques au lait de vache pourraient tolérer une certaine quantité de lait lorsqu’il est cuit avec d’autres aliments2, par exemple dans les muffins ou les gâteaux. En fait, la cuisson entraînerait une agrégation des protéines du lait avec d’autres constituants de l’aliment préparé. Ce faisant, les IgE auraient plus de difficulté à reconnaître les protéines allergènes du lait. Il en est de même pour les enfants de moins de 5 ans qui sont allergiques aux œufs. On estime que 70 % d’entre eux pourraient consommer de petites quantités d’œuf lorsqu’il est cuit et intégré à une recette[iii].

2 – Si les IgE reconnaissent plus facilement la protéine, l’aliment aura un potentiel allergène plus grand. L’arachide est probablement le meilleur exemple pour illustrer cette situation. En fait, l’allegénicité de l’arachide diffère en fonction du traitement alimentaire auquel on la soumet. Ainsi, lorsqu’elle est rôtie, l’arachide devient plus allergène[iv]. Ce phénomène est dû notamment à la réaction de Maillard, une interaction chimique entre les protéines et les sucres d’un aliment qui entraîne la formation de nouveaux composés chimiques.

Dans le cas de l’arachide, les composés ainsi formés lors du rôtissage montrent une plus grande allergénicité que les protéines retrouvées dans l’arachide crue. Attention cependant! La structure des protéines allergènes de l’arachide est aussi modifiée lorsqu’elle est bouillie. Dans ce cas par contre, l’arachide devient moins allergène et est donc moins facilement reconnue par les IgE.Il est certain que tout n’est pas noir ou blanc en ce qui concerne les allergies alimentaires. Il existe une multitude de facteurs pouvant affecter la réponse d’un individu à une protéine allergène et l’allergénicité d’un aliment.

En ce qui concerne la transformation des aliments, nous n’en savons pas encore suffisamment pour en tirer des conclusions claires. De plus, les études en arrivent souvent à des résultats contradictoires. Alors bien que certains traitements alimentaires puissent constituer des avenues intéressantes pour le futur, nous ne pouvons toujours pas tracer la ligne qui assurera la sécurité des personnes allergiques.

Encore aujourd’hui, la prise en charge de l’allergie au cas par cas et par des professionnels de la santé spécialisés reste la meilleure option de traitement.

 

[i] Office québécois de la langue française, 2001. Récupéré de 
[ii] Kosti R.I. et coll. Food allergen selective thermal processing regimen may change oral tolerance in infancy. Allergol Immunopathol (Madr). Nov-Déc 2013, 41(6):407-417.
[iii] Des Roches A. et coll. Tolerance to cooked eggs in an egg allergic population. Allergy, 2006 Juil, 61(7):900-1.
[iv] Beyer K. et coll. Effects of cooking methods on peanut allergenicity. J Allergy Clin Immunol, 2001 Juin, 107(6):1077-81.