Connaissez-vous l’allergie aux LTP, une protéine présente dans les plantes?
Parmi les coupables : laitue, pêches, pommes, tomates, fruits séchés, noix, arachides ou autres légumineuses.
L’allergie alimentaire aux LTP est induite par les IgE et se manifeste par des symptômes pouvant mener à l’anaphylaxie.
Découvertes il y a environ 40 ans, les LTP (lipid transfer proteins ou protéines de transfert lipidique en français) constituent un groupe de molécules présentes dans les plantes. Leur rôle consiste entre autres à protéger les végétaux des stresseurs comme la chaleur et la sécheresse qui pourraient leur nuire [1].
On retrouve les LTP dans la plupart des structures des végétaux, incluant leurs fruits. C’est plus précisément dans les pelures et l’écorce de ces fruits, mais aussi dans leurs pépins, que leur concentration serait la plus élevée.
Même si elles jouent un rôle essentiel pour la survie des plantes, les LTP sont également des protéines allergènes pour certains êtres humains. En 2021, un total de 46 LTP retrouvées dans une quarantaine de végétaux étaient reconnues comme étant allergènes par l’Organisation mondiale de la santé [1].
En quoi consiste l’allergie aux LTP ?
L’allergie aux LTP fait partie des allergies induites par les IgE. Comme pour les autres allergies alimentaires de ce type, elle nécessite une sensibilisation préalable à l’allergène pour se développer [1].
À l’origine, l’allergie aux LTP s’observait surtout dans la région de la Méditerranée, dans le sud de l’Europe. Depuis quelques années toutefois, des études épidémiologiques ont permis de repérer l’allergie dans d’autres endroits du monde, entre autres en Australie et en Chine [1]. À notre connaissance, aucune étude n’a évalué à ce jour la prévalence de l’allergie aux LTP en Amérique du Nord.
Quels sont les aliments en cause ?
L’allergie aux LTP peut être causée par de nombreux fruits et légumes, notamment la pêche, la laitue, les pommes, les tomates et les fruits séchés, mais également certaines noix et légumineuses comme les noix de Grenoble, les noisettes et les arachides [2, 3].
Souvent, les personnes allergiques aux LTP réagiront à plus d’un aliment végétal. Les études démontrent en effet que les LTP partageraient certaines structures entre elles. Ce faisant, les IgE pourraient reconnaître différentes LTP, ce qui mènerait dans certains cas à l’apparition d’allergies croisées entre différents fruits et légumes, mais aussi avec des pollens [1, 2, 4].
Quels sont les symptômes de l’allergie aux LTP
L’étendue des manifestations de l’allergie aux LTP intrigue énormément les scientifiques. Alors que certains individus sont asymptomatiques au contact de l’allergène, d’autres développent des réactions sévères pouvant mener à l’anaphylaxie [5]. Et entre les deux, l’intensité et la nature des symptômes varient grandement d’une personne à l’autre et même d’une réaction à l’autre chez une même personne.
Voici quelques symptômes associés à l’allergie aux LTP :
- une éruption cutanée ou une urticaire pouvant apparaître sur n’importe quel endroit du corps ;
- des picotements ou des démangeaisons dans la bouche ;
- une enflure des lèvres, des yeux ou du visage ;
- des douleurs abdominales et des vomissements ;
- une enflure de la gorge et de la langue ;
- de la difficulté à respirer ;
- des étourdissements et de la confusion ;
- une perte de conscience.
Dans certains cas, la réaction allergique se manifeste uniquement par un ou par des symptômes gastro-intestinaux (vomissements, nausée, diarrhée, inconfort abdominal) [5].
Des réactions peuvent survenir avec la consommation de fruits et légumes crus, cuits ou transformés. Le risque de développer une réaction sévère serait cependant plus élevé chez les personnes allergiques à plus de cinq types de LTP [5].
Les symptômes d’une allergie aux LTP apparaissent généralement dans les 30 minutes suivant l’ingestion de l’aliment allergène. Rappelons que, comme pour les autres allergies alimentaires induites par les IgE, l’épinéphrine constitue le seul traitement efficace pour contrer l’anaphylaxie. L’auto-injecteur d’épinéphrine doit donc être administré en présence d’un symptôme grave de l’anaphylaxie OU de deux symptômes légers touchant deux systèmes du corps.
Qu’en est-il des cofacteurs ?
Un autre aspect qui intrigue les scientifiques est que certains individus allergiques aux LTP développent des réactions uniquement en présence d’un cofacteur*, alors qu’en son absence, ils peuvent manger l’aliment allergène sans problème. Les données indiquent qu’un cofacteur serait présent dans 20 à 30 % des réactions allergiques associées aux LTP [5].
L’exercice physique et la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (des médicaments antidouleur comme l’ibuprofène) sont les cofacteurs les mieux documentés chez les personnes allergiques aux LTP [5]. Le jeûne, la consommation d’alcool, la prise d’antiacides ou de certains médicaments antihypertenseurs, le stress et la fatigue pourraient aussi constituer des cofacteurs dans l’allergie aux LTP [5].
Il est intéressant de noter que lorsqu’un cofacteur est impliqué dans la réaction allergique, les symptômes ont tendance à apparaître moins rapidement, soit dans les 2 à 4 heures suivant l’ingestion de l’aliment allergène [5].
*Un cofacteur consiste en un élément qui, chez la personne allergique, augmente le risque qu’une réaction allergique survienne et/ou qu’elle soit sévère.
Un mot sur le diagnostic
En raison de la grande variabilité de l’allergie aux LTP, le diagnostic peut donner du fil à retordre aux professionnels de la santé. Ces derniers se baseront généralement sur l’histoire clinique de la personne et ses réactions allergiques passées. Des tests cutanés ou de provocation orale pourraient ensuite être prescrits. Il est à noter cependant que ces tests ne fournissent pas toujours des résultats concluants. Néanmoins, mieux vaut consulter votre médecin ou votre allergologue si vous pensez être allergique aux LTP.
En somme, on en connaît encore peu sur l’allergie aux LTP, sur sa prévalence en Amérique du Nord et sur les facteurs menant à son apparition. La grande diversité des LTP d’une plante à l’autre contribue également à entretenir l’incertitude des scientifiques. Comme pour plusieurs sujets entourant les allergies alimentaires, d’autres études devront être menées pour espérer mieux connaître cette allergie.
Références
[1] Skypala, I. J., Asero, R., Barber, D., Cecchi, L., Diaz Perales, A., Hoffmann-Sommergruber, K., Pastorello, E. A., Swoboda, I., Bartra, J., Ebo, D. G., Faber, M. A., Fernández-Rivas, M., Gomez, F., Konstantinopoulos, A. P., Luengo, O., van Ree, R., Scala, E., Till, S. J., European Academy of Allergy et la Clinical Immunology (EAACI) Task Force: Non‐specific Lipid Transfer Protein Allergy Across Europe. (2021). Non-specific lipid-transfer proteins: Allergen structure and function, cross-reactivity, sensitization, and epidemiology. Clinical and translational allergy, 11(3), e12010. https://doi.org/10.1002/clt2.12010
[2] Pascal, M., Muñoz-Cano, R., Reina, Z., Palacín, A., Vilella, R., Picado, C., Juan, M., Sánchez-López, J., Rueda, M., Salcedo, G., Valero, A., Yagüe, J. et Bartra, J. (2012). Lipid transfer protein syndrome: clinical pattern, cofactor effect and profile of molecular sensitization to plant-foods and pollens. Clinical and experimental allergy : journal of the British Society for Allergy and Clinical Immunology, 42(10), 1529–1539. https://doi.org/10.1111/j.1365-2222.2012.04071.x
[3] Allergy UK. (2021, 6 juillet). Lipid transfer protein allergy. https://www.allergyuk.org/resources/lipid-transfer-protein-allergy/
[4] Fontaine, J.-F. (2015). Les protéines de transfert lipidique : actualités et implications cliniques. Revue Française d’Allergologie, 55(3), 176-177. https://doi.org/10.1016/j.reval.2015.01.025
[5] Skypala, I. J., Bartra, J., Ebo, D. G., Antje Faber, M., Fernández-Rivas, M., Gomez, F., Luengo, O., Till, S. J., Asero, R., Barber, D., Cecchi, L., Diaz Perales, A., Hoffmann-Sommergruber, K., Anna Pastorello, E., Swoboda, I., Konstantinopoulos, A. P., van Ree, R., Scala, E. et European Academy of Allergy & Clinical Immunology (EAACI) Task Force: Non-specific Lipid Transfer Protein Allergy Across Europe. (2021). The diagnosis and management of allergic reactions in patients sensitized to non-specific lipid transfer proteins. Allergy, 76(8), 2433–2446. https://doi.org/10.1111/all.14797