Les aliments véganes sont-ils sécuritaires pour les personnes allergiques au lait et aux œufs ?

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Marjorie est allergique au lait de vache. À l’épicerie du coin, dans l’allée des biscuits, elle jette son dévolu sur un nouveau produit alléchant sur lequel on peut lire la mention « végane ». Elle dépose la boîte dans son panier et se dirige à la caisse, convaincue que les biscuits sont exempts de protéines animales, et donc de protéines de lait. De retour à la maison, Marjorie se met à douter : l’aliment végane pourrait-il tout de même contenir des protéines de lait ?

Des protéines de lait dans les aliments véganes

Le véganisme, par définition, se veut un régime alimentaire qui exclut toutes protéines d’origine animale. On peut donc logiquement penser que les aliments véganes ne contiennent pas de protéines de lait d’œuf, de poissons, de mollusques ou de fruits de mer. Dans ce contexte, ces aliments seraient sécuritaires pour les individus qui y sont allergiques. Pas vrai ?

Malheureusement, ce n’est pas tout à fait le cas…

Des chercheurs de l’Université Laval ont évalué le risque que posent les aliments arborant une mention « végane » ou « à base de plantes » pour les personnes allergiques au lait et/ou aux œufs. Pour ce faire, ils ont analysé la composition de 124 aliments fabriqués et vendus dans trois supermarchés du Québec. Ils voulaient vérifier si les produits dits « véganes » présentaient ou pas des traces de protéines de lait et/ou d’œufs. Leurs conclusions ont été publiés récemment dans la revue Allergy, Asthma & Clinical Immunology [1].

Parmi les 124 aliments à l’étude, 87 ont été testés pour détecter des protéines de lait. Les résultats montrent qu’environ 6 % des aliments analysés (5/87) contenaient bel et bien des protéines de lait, et ce, souvent à des quantités associées à un risque pour la personne allergique. La présence des protéines de lait dans ces aliments dits « véganes » était probablement due à une contamination croisée survenue lors de la fabrication du produit.

Aucun des 64 aliments testés pour détecter la présence d’œufs n’en contenait. Il est à noter, toutefois, que les chercheurs se sont concentrés sur la détection des protéines d’œuf cuit. On ne peut donc pas exclure que les produits puissent contenir des protéines d’œuf cru.

Un flou réglementaire entourant les aliments véganes

Au Canada, aucune réglementation n’encadre l’étiquetage des produits végane comme c’est le cas pour les allergènes alimentaires. Puisqu’il existe différentes définitions au véganisme, ou alimentation végétalienne, un aliment portant la mention « végane » n’est pas nécessairement exempt de protéines d’origine animales.

Comme l’affirme l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) sur son site Internet en parlant des aliments végétaliens, « lorsqu’une compagnie fait des allégations au sujet d’un aliment, elle peut appliquer des normes ou des critères additionnels qui tiennent compte d’éléments autres que les ingrédients qui composent l’aliment ». Il pourrait notamment s’agir de l’origine animale (ou non) d’un ingrédient. Le miel, par exemple, pourrait être considéré comme un sous-produit d’origine animale par un fabricant, alors qu’un autre déciderait de l’inclure dans sa définition du mot « végane ». Il devient ainsi difficile pour les individus allergiques de s’y retrouver.  

Cela dit, l’ACIA a procédé à plus d’une dizaine de rappels d’aliments « à base de plante » au cours des dernières années en raison de la présence d’ingrédients non déclarés. Dans plusieurs cas, ces ingrédients s’avéraient être du lait ou des œufs, et présentaient donc un risque pour la santé des personnes allergiques.

Des éléments contradictoires sur l’emballage

Les chercheurs ont également noté des incohérences sur l’emballage des produits analysés lors de l’étude. Ainsi, parmi les aliments dits « véganes », 18 % portaient aussi une mention « peut contenir du lait » et 12 % une mention « peut contenir des œufs ». Du côté des produits dits « à base de plante », 8 % des étiquettes précisaient que l’aliment pouvaient contenir des œufs ou du lait.

Même si elles sont ajoutées dans le but de renseigner les consommateurs, ces éléments contradictoires sur l’emballage des aliments véganes sont loin d’aider les personnes allergiques à faire des choix éclairés.

Rappelons que la mention « peut contenir » a pour objectif d’informer les acheteurs allergiques d’une possible contamination d’un aliment par un allergène prioritaire. Son utilisation par les fabricants est volontaire et ne fait pas l’objet d’une obligation légale. Toutefois, elle ne doit en aucun cas être employée pour permettre aux fabricants de se soustraire aux normes canadiennes entourant la préparation d’aliments.  

La mention « végane » associée à un faux sentiment de sécurité

Dans leur étude, les chercheurs ont également documenté les habitudes d’achat des consommateurs allergiques au lait et aux œufs concernant des aliments identifiés comme étant « véganes » ou « à base de plantes ». Pour y arriver, ils ont utilisé les données d’un sondage en ligne effectué en 2021 au Canada.

Les résultats du sondage sont pour le moins surprenants. On y apprend que parmi les 337 répondants allergiques ou ayant un enfant allergique, 86 % achèteraient des aliments qui présentent une mention « végane », considérant que ces produits ne contiennent pas de protéines animales.

Force est de constater que le recours aux allégations « véganes » et « à base de plantes » peut amener un faux sentiment de sécurité aux personnes allergiques au lait et aux œufs. D’ailleurs, certains de ces produits contiennent effectivement des protéines allergènes. Marjorie avait donc raison de douter de la sécurité de ses biscuits fraîchement achetés. La morale de l’histoire : peu importe les mentions sur l’emballage d’un aliment, vérifiez toujours la liste des ingrédients !  Et si vous avez un doute, n’hésitez pas à communiquer avec le département de contrôle de la qualité du fabricant.

Dominguez, S., Théolier, J., Lizée, K., Povolo, B., Gerdts, J. et Godefroy, S. B. (2023). « Vegan » and « plant-based » claims: Risk implications for milk- and egg-allergic consumers in Canada. Allergy, Asthma & Clinical Immunology, 19(1), 74. https://doi.org/10.1186/s13223-023-00836-w