Politiques publiques et allergies alimentaires
En cette Journée québécoise des allergies alimentaires, rappelons que certains aspects de la qualité de vie et de la sécurité des personnes allergiques dépendent des politiques gouvernementales. Voici quelques exemples de dossiers dont l’avancée signifierait une plus grande équité pour la population allergique.
Au cours des dernières années, la science a réalisé d’énormes progrès en ce qui concerne la prévention, la gestion et le traitement des allergies alimentaires. Par exemple, plusieurs individus allergiques ont maintenant accès à des traitements de désensibilisation dans le but de développer une tolérance à un ou plusieurs aliments. On compte également sur les tablettes des épiceries une variété toujours plus grande de produits sans allergènes prioritaires. D’ailleurs, depuis quelques années, l’étiquetage de ces allergènes est encadré légalement.
Pourtant, il reste beaucoup de travail à faire. En effet, les personnes allergiques sont encore aujourd’hui confrontées à de nombreuses difficultés, notamment en ce qui concerne leur sécurité et leur qualité de vie. En ce mois de sensibilisation aux allergies alimentaires, nous aimerions attirer votre attention sur certains enjeux pour lesquels il reste du chemin à faire.
Les lacunes de la réglementation canadienne sur l’étiquetage des allergènes alimentaires
Depuis 2012 au Canada, les fabricants d’aliments doivent se conformer à la réglementation sur l’étiquetage. Ce faisant, ils sont tenus de déclarer la présence de tous les ingrédients contenus dans leurs produits, incluant les neuf allergènes prioritaires, le gluten et les sulfites. Ces derniers doivent également être affichés sous leur nom usuel (p. ex. œuf et non albumine, blé et non farine).
Pour ceux et celles qui vivent avec des allergies au Canada, il est maintenant plus facile de faire des choix alimentaires éclairés et d’identifier les aliments qui présentent des risques. Néanmoins, cette petite révolution est loin d’être parfaite…
Par exemple, la réglementation sur l’étiquetage ne tient pas compte des allergènes non prioritaires. Ainsi, une personne allergique aux melons, à certaines épices ou à d’autres aliments aura toujours autant de difficultés à repérer les produits sécuritaires.
On peut aussi penser à la mention « Peut contenir », dont la présence (ou l’absence) sur l’emballage peut porter à confusion.
D’abord, la mention n’est pas obligatoire en vertu de la réglementation sur l’étiquetage. Comme seule exigence légale, l’Agence canadienne d’inspection des aliments demande que la mention, si elle est ajoutée sur l’emballage, soit exacte, claire et qu’elle informe d’un risque réel de contamination croisée. Il revient donc au fabricant de déterminer si ce risque s’avère ou non significatif.
Ensuite, tout comme pour la réglementation sur l’étiquetage, la mention « Peut contenir » ne tient compte que des allergènes prioritaires, du gluten et des sulfites.
Dans ces conditions, l’absence du « Peut contenir » sur un emballage ne certifie pas à la personne allergique que le produit est exempt de ses allergènes — à moins, bien entendu, qu’une mention le précise (p. ex. « Sans noix et arachides »).
L’absence d’une législation sur la gestion des allergies alimentaires dans les écoles du Québec
Contrairement à plusieurs provinces canadiennes, le Québec n’encadre toujours pas la gestion des allergies alimentaires en milieu scolaire. Chaque centre de services scolaire doit ainsi élaborer son propre protocole en la matière et le faire appliquer dans les écoles qu’il dessert. Par conséquent, les façons de faire varient d’un établissement à l’autre.
Au pays, environ 20 % des réactions allergiques alimentaires ont lieu à l’école. Afin de protéger les jeunes, il est donc essentiel de développer et d’implanter un protocole uniforme pour tous les milieux scolaires québécois. C’est pour cette raison qu’Allergies Québec s’affaire à sensibiliser les différents paliers gouvernementaux à la nécessité de standardiser les pratiques en matière d’allergies alimentaires dans les écoles.
En 2020, après plusieurs années de travail, Allergies Québec a franchi un premier pas vers l’adoption d’un protocole provincial avec la publication d’un Guide de bonnes pratiques pour la gestion des allergies alimentaires, en collaboration avec la Direction régionale de santé publique de Montréal et d’autres acteurs des domaines de la santé et de l’éducation.
À ce jour, le guide a été diffusé auprès des centres de services scolaires ainsi que d’autres partenaires de la Santé publique. Il est également accessible à la grandeur de la province directement sur le site d’Allergies Québec.
Les divergences dans les protocoles d’utilisation de l’épinéphrine
La définition du choc anaphylactique et l’identification de ses manifestations peuvent varier selon le professionnel de la santé consulté. Alors que certains d’entre eux privilégieront l’administration de l’épinéphrine dès l’apparition des premiers symptômes de l’anaphylaxie, d’autres la retarderont jusqu’à ce que la personne présente des difficultés respiratoires. De quoi confondre les mieux intentionnés d’entre nous…
Alors, comment s’y retrouver ?
Les allergologues s’entendent sur le fait que plus on retarde l’administration de l’épinéphrine, plus le risque de complications et de décès augmente. Dès lors, on devrait considérer une réaction allergique comme une anaphylaxie dès l’apparition d’un seul symptôme grave OU de d’un symptôme léger dans deux systèmes du corps. Dans les deux cas, l’injection immédiate d’épinéphrine s’impose.
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L’accès difficile au dépistage de l’allergie et aux traitements d’immunothérapie
Au Québec, 300 000 personnes ont reçu un diagnostic d’allergies alimentaires. Pourtant, à peine plus de 70 allergologues qui pratiquent dans la province. Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous en vue d’un test d’allergie ou encore pour participer à un programme d’immunothérapie peut ainsi s’avérer très long, sans compter que l’accès aux soins en allergologie est particulièrement difficile en région.
Les critères très restrictifs pour être admissible au Supplément pour enfant handicapé
Les allergies alimentaires ont un impact sur les finances des ménages pour plusieurs raisons, notamment l’achat de produits alimentaires spécialisés, les nombreuses absences du travail pour les rendez-vous médicaux et l’achat de médication qui est seulement partiellement remboursable par le régime d’assurances public.
Pourtant, seulement une petite partie de la population des enfants allergiques est admissible au Supplément pour enfant handicapé offert par la Régie de rentes du Québec (RRQ). Pour y être admissible :
- L’enfant doit avoir plusieurs allergies alimentaires;
- Ces allergies doivent figurer dans trois groupes alimentaires différents (déterminés par la RRQ);
- L’enfant doit avoir une condition nécessitant l’accès à une médication d’urgence.
À l’heure actuelle, la RRQ reconnaît uniquement les groupes d’aliments suivants : le lait de vache, les œufs, les arachides et les noix, le blé et le gluten, le soya, la moutarde, le sésame et le bœuf. Notons que les poissons, les fruits de mer et les mollusques sont absents de la liste d’allergènes reconnus par la RRQ et que les noix et arachides figurent dans la même catégorie. Ainsi, selon les critères établis par la RRQ, un enfant allergique aux noix, aux arachides et au lait ne serait pas admissible au programme.
De plus, le critère relié à la nécessité d’avoir accès à une médication d’urgence laisse entendre que les enfants composant avec une allergie non médiée par les IgE ne seraient pas admissibles. Cependant, on nous rapporte que des familles avec un diagnostic de SEIPA ont réussi avec un dossier bien étoffé à faire valoir leur admissibilité. Les enfants avec la maladie cœliaque quant à eux seraient admissibles. En effet, la qualité de vie des familles peut être affectée par différents types d’allergies et des critères d’admission moins restrictifs pourraient alléger le fardeau de plusieurs.
L’impact considérable des allergies alimentaires sur la qualité de vie
En plus des lacunes de nature systémique nommées ci-dessus, mentionnons également certaines difficultés sociales engendrées par les allergies. Imaginez avoir peur de manger et d’être angoissé à l’idée de rejoindre des amis au restaurant. Vivre de l’intimidation à l’école parce que vous devez éviter tout contact avec un aliment. Vous faire dire par votre grand-père que « les allergies, c’est dans la tête » !
Les allergies alimentaires peuvent avoir des conséquences néfastes sur la qualité de vie (p. ex. isolement, intimidation, stress et anxiété), en plus d’exiger une vigilance continuelle et de nombreuses démarches pour éviter tout contact avec les allergènes. Et ces répercussions sont souvent oubliées ou mal comprises par ceux et celles qui côtoient les personnes allergiques.
Alors, en terminant, mis à part ce qui doit changer sur le plan gouvernemental, nous vous proposons quelques pistes de réflexion pour mieux comprendre vos proches allergiques :
- Les allergies alimentaires peuvent tuer. Si une personne vous dit qu’elle est allergique à un aliment, il ne s’agit pas d’un caprice. Pensez-y la prochaine fois que vous discuterez avec elle !
- On peut développer une allergie à tout âge. On peut aussi perdre ses allergies en vieillissant. Tout n’est pas définitif.
- Des traces d’un allergène peuvent causer une réaction chez la personne allergique. Rappelez-vous qu’une contamination croisée peut se produire même si l’on ne voit pas l’allergène sur une surface !
- On en apprend tous les jours au sujet des allergies alimentaires. Eh oui ! Même si aucun traitement curatif n’existe à l’heure actuelle, les options pour mieux gérer cette condition allergique sont plus ciblées et efficaces que jamais. Gardons espoir !
- Des organismes à but non lucratif comme Allergies Québec continuent de militer pour de meilleures conditions de vie des personnes touchées par les allergies. Soutenons leur travail!
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