L’anxiété et les allergies alimentaires : que savons-nous et que faire?
Sophie Beugnot, Ph.D, psychologue
Vivre avec une allergie alimentaire est sans aucun doute une expérience exigeante, nécessitant un état de vigilance constant pour respecter les restrictions alimentaires essentielles à la sécurité de la personne concernée. Ainsi, un grand nombre d’activités doivent être abordées avec soin afin de diminuer au minimum le risque d’exposition accidentelle à un aliment allergène. Aller en voyage, au restaurant ou simplement visiter des amis ou de la famille ne sont plus des activités de loisirs banales mais doivent être planifiées ou parfois même évitées.
Le diagnostic initial d’une allergie alimentaire déclenche souvent de la peur et de l’inquiétude sous forme de scénarios catastrophiques liés à une réaction allergique sévère. Il faut alors bien comprendre les répercussions de l’allergie alimentaire sur les habitudes de vie et faire les ajustements nécessaires pour assurer la sécurité de l’enfant. Le niveau d’anxiété a tendance à baisser lorsque des stratégies solides sont intégrées à la routine familiale et lorsqu’un auto-injecteur d’adrénaline est prescrit. Les scénarios catastrophiques envisagés pourraient faire graduellement place à un niveau d’anxiété plus mesuré.
L’anxiété peut par contre ressurgir lors de nouvelles étapes développementales ou lorsqu’un changement à la routine survient (changement d’école, voyage, camp d’été, etc). Les parents et l’enfant doivent alors s’adapter à ce milieu méconnu en éduquant l’entourage et en sollicitant la coopération de plusieurs acteurs afin de diminuer les risques d’exposition accidentelle.
Plusieurs éléments peuvent augmenter le niveau d’anxiété liée à l’allergie alimentaire : le fait de devoir gérer plusieurs allergies chez une même personne ou chez plusieurs membres de la même famille, avoir des enfants allergiques en bas âge ou des adolescents. Un fait intéressant ressort de certaines études : les mères d’enfants allergiques seraient plus anxieuses que les pères de ces mêmes enfants puisqu’elles seraient souvent plus impliquées dans la gestion de l’alimentation.
Il semblerait aussi que les enfants allergiques soient conscients des risques et qu’ils développent parfois de l’anxiété par rapport à la gestion de leur allergie alimentaire. Ils ressentiraient un impact sur leurs activités sociales et physiques, parfois limitées ou affectées par les restrictions alimentaires. Une minorité d’entre eux pourraient développer des troubles anxieux plus graves nécessitant une aide professionnelle. Cependant, la majorité des enfants s’adapteraient adéquatement malgré la frustration ou la tristesse parfois ressentie.
Quels sont les signes d’une anxiété excessive?
Un certain niveau d’anxiété est utile puisqu’elle entraîne un état de vigilance assurant le respect des restrictions alimentaires, seul moyen de prévenir une réaction allergique. Cependant, si elle est excessive, l’anxiété cause une détresse importante et des restrictions excessives ou démesurées. L’évitement complet de situations sociales (fêtes d’enfants) ou d’activités importantes (manquer des journées d’école) par peur de s’exposer à un allergène en sont des exemples. Par contre, les parents et enfants qui composeraient bien avec leur anxiété feraient preuve de vigilance en utilisant des stratégies variées pour assurer leur sécurité et le respect des restrictions alimentaires lors de ces activités.
Composer avec l’anxiété consiste à trouver le juste équilibre entre la vigilance et la quête de contrôle, d’une part, et la tolérance de l’incertitude ou de l’impuissance associée à l’allergie, d’autre part.
Suggestions de stratégies pour augmenter son sentiment de contrôle :
- S’informer pour bien comprendre les bases de la prévention d’une exposition accidentelle et les actions nécessaires en cas de réaction allergique.
- Éduquer l’entourage pour assurer la compréhension du risque et le respect des restrictions alimentaires.
- Expliquer les besoins particuliers de son enfant auprès des personnes qui en ont la responsabilité et surmonter la peur de déranger.
- Avoir un plan d’urgence et l’expliquer à l’entourage pour assurer une bonne gestion d’une éventuelle réaction allergique : savoir reconnaître les signes d’une réaction allergique et bien connaître le fonctionnement d’un auto-injecteur d’adrénaline en sont des éléments essentiels. Expliquer à l’enfant allergique son plan d’urgence en renforçant le fait que son entourage est bien préparé.
- Responsabiliser l’enfant allergique dans la gestion de ses restrictions alimentaires. Un enfant peut apprendre à demander à un adulte de vérifier les ingrédients avant de manger un aliment et à ne pas partager la nourriture ou des ustensiles avec ses amis.
Suggestions de stratégies pour tolérer l’incertitude et l’impuissance :
- Mettre en perspective les risques réels d’une mort accidentelle. Lorsque des stratégies de contrôle sont mises en place, les risques d’exposition et de mort accidentelle sont largement diminués et peu probables.
- Chercher du soutien. Utiliser les ressources de soutien et d’information disponibles et briser le sentiment d’isolement qui peut contribuer à l’anxiété.
- Consulter un professionnel en cas d’anxiété excessive et persistante.