L’alcool associé à des réactions allergiques plus graves

Des chercheurs québécois avancent de nouvelles hypothèses concernant l’alcool, notamment pour l’allergie aux noix.
Connaissez-vous les cofacteurs de l’anaphylaxie ? Ce sont les facteurs présents lors d’un contact avec l’allergène qui augmentent le risque qu’une réaction allergique survienne et/ou qu’elle soit plus sévère. On estime que des cofacteurs seraient impliqués dans 30 à 58 % des réactions anaphylactiques liées à la consommation d’un allergène alimentaire [1, 2].
L’activité physique, la prise de certains médicaments (p. ex., anti-inflammatoires non stéroïdiens) et la fatigue figurent parmi les cofacteurs de l’anaphylaxie les mieux décrits dans la littérature. Un autre de ces cofacteurs, l’alcool, a toutefois attiré l’attention au cours des derniers mois à la suite de la publication d’une étude menée par une équipe de recherche de l’Université McGill, à Montréal. Que nous révèle cette étude ?
Vers une meilleure connaissance de l’anaphylaxie chez l’adulte
L’anaphylaxie chez les adultes est un sujet relativement peu exploré, encore aujourd’hui. C’est entre autres pour cette raison que Moshe Ben-Shoshan et son équipe à l’Université McGill se sont penchés sur la question dans le cadre d’une étude portant sur une collecte de données prospective et rétrospective [3]. Les chercheurs ont notamment voulu en connaître davantage sur les symptômes cliniques, la prise en charge et les déclencheurs de l’anaphylaxie dans la population adulte vivant avec une allergie alimentaire, médicamenteuse ou au venin.
Pour ce faire, l’équipe a entrepris d’examiner les dossiers médicaux de 1 135 adultes s’étant présentés à la salle d’urgence d’un hôpital canadien pour une réaction anaphylactique entre avril 2011 et novembre 2023. L’analyse des données recueillies dans le cadre de cette investigation a permis de caractériser un peu mieux l’anaphylaxie chez les Canadiens adultes.
Voici quelques-unes des observations faites par le groupe de chercheurs dans le cadre de l’étude :
- Les réactions anaphylactiques analysées variaient en sévérité ;
- La plupart des réactions anaphylactiques étaient associées à la consommation d’un aliment ;
- Parmi les cas d’anaphylaxie liés aux aliments, l’arachide constituait l’allergène le plus souvent en cause, suivi par les crustacés et les fruits à coques (p. ex., amandes, pacanes, noix de Grenoble, etc.) ;
- L’hypotension s’est avérée le symptôme le plus fréquemment associé aux anaphylaxies médicamenteuses ;
- Le serrement de la gorge était la manifestation le plus souvent observée lors de réactions aux fruits à coques ;
- Un plus grand nombre de personnes allergiques aux arachides ont utilisé leur auto-injecteur d’épinéphrine que les autres avant de se rendre à l’urgence.
Une association entre la consommation d’alcool et l’anaphylaxie
L’analyse des données recueillies par les chercheurs a également permis à ces derniers de constater une forte association entre la consommation d’alcool et la survenue d’une réaction anaphylactique sévère, mais seulement chez un sous-groupe de participants allergiques aux noix ou aux arachides*. Pourquoi ?
* Dans ce sous-groupe, les personnes n’ont pas précisé s’ils étaient allergiques aux noix ou aux arachides.
L’alcool est un cofacteur connu de l’anaphylaxie. D’ailleurs, jusqu’à 15 % des réactions anaphylactiques liées aux aliments impliqueraient l’alcool [2]. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer l’influence de l’alcool sur la sévérité des réactions allergiques en général :
- L’alcool a un effet vasodilatateur qui pourrait s’ajouter à celui qui se manifeste parfois lors d’une réaction allergique [3]. Quand les vaisseaux sanguins se dilatent (vasodilatation), une plus grande quantité de sang est envoyée dans les muscles et les organes, ce qui a entre autres pour effets d’abaisser la pression artérielle. Rappelons que la chute de la pression artérielle constitue l’une des manifestations possibles de l’anaphylaxie. L’alcool pourrait donc accentuer cet effet.
- L’alcool augmente la perméabilité intestinale, ce qui favoriserait l’absorption des allergènes dans l’intestin et augmenterait ainsi le risque de réaction allergique [1, 2, 4].
- En interagissant avec différentes molécules présentes dans l’organisme, l’alcool pourrait accroître la concentration d’histamine dans le corps [2]. Rappelons que l’histamine est l’un des médiateurs chimiques relâchés dans l’organisme lors d’une réaction allergique et responsables des symptômes de l’allergie.
En attendant que le voile se lève complètement sur les nombreux mystères des allergies alimentaires et sur le rôle exact de l’alcool dans la sévérité d’une anaphylaxie, l’information et la vigilance demeurent les meilleures alliées des personnes allergiques.
Références
[1] Bartra, J., Turner, P. J. et Muñoz-Cano, R. M. (2023). Cofactors in food anaphylaxis in adults. Annals of Allergy, Asthma & Immunology : Official publication of the American College of Allergy, Asthma, & Immunology, 130(6), 733–740. https://doi.org/10.1016/j.anai.2023.03.017
[2] Muñoz-Cano, R., San Bartolome, C., Casas-Saucedo, R., Araujo, G., Gelis, S., Ruano-Zaragoza, M., Roca-Ferrer, J., Palomares, F., Martin, M., Bartra, J. et Pascal, M. (2021). Immune-mediated mechanisms in cofactor-dependent food allergy and anaphylaxis: Effect of cofactors in basophils and mast cells. Frontiers in Immunology, 11, 623071. https://doi.org/10.3389/fimmu.2020.623071
[3] Khalaf, R., Prosty, C., McCusker, C., Bretholz, A., Kaouache, M., Clarke, A. E., Morris, J., Lim, R., Chan, E. S., Goldman, R. D., O’Keefe, A., Gerdts, J., Chu, D. K., Upton, J., Hochstadter, E., Moisan, J., Zhang, X., Protudier, J. L. P., Abrams, E., Simons, E., … Ben-Shoshan, M. (2024). Symptomatology and management of adult anaphylaxis according to trigger: A cross-sectional study. International archives of allergy and immunology, 1–11. Advance online publication. https://doi.org/10.1159/000542115
[4] Muñoz-Cano, R., Pascal, M., Araujo, G., Goikoetxea, M. J., Valero, A. L., Picado, C. et Bartra, J. (2017). Mechanisms, cofactors, and augmenting factors involved in anaphylaxis. Frontiers in Immunology, 8, 1193. https://doi.org/10.3389/fimmu.2017.01193