Inquiétude et anxiété chez les parents d’enfants vivant avec des allergies alimentaires

Anxiété allergies alimentaires

Une majorité de parents denfants allergiques vit de linquiétude et de lanxiété. Comment faire pour en réduire l’impact au quotidien? 

 

Avoir un enfant allergique peut comporter plusieurs défis pour les parents. Ces derniers, en plus d’assurer la sécurité de leurs petits, doivent composer avec l’inquiétude, voire l’anxiété, que survienne une anaphylaxie. Quelles conséquences l’allergie alimentaire d’un enfant peut-elle avoir sur la santé mentale de ses parents ? Comment mieux gérer l’incertitude qui en découle ?

 

Les parents denfants allergiques stressés

 

Dans une étude parue récemment dans le Journal of Pediatric Psychology, on apprend que la grande majorité des parents d’enfants allergiques (81 %) vit de l’inquiétude face aux allergies de sa progéniture. Près de la moitié rapporte même un niveau d’anxiété modéré à élevé (39,1 %) ou présente des symptômes de stress post-traumatique (42,3 %) [1].

 

L’étude montre également que les parents qui présentent une grande intolérance à l’incertitude sont plus susceptibles de vivre de l’inquiétude et de l’anxiété face aux allergies alimentaires de leur enfant. Selon les auteurs, cette intolérance à l’incertitude constituerait un obstacle à une meilleure confiance en soi chez les parents.

Par ailleurs, une bonne capacité à gérer la condition allergique de son enfant représenterait un facteur de protection contre l’inquiétude et l’anxiété pour le parent. La sévérité de l’allergie, pour sa part, n’avait aucun impact cliniquement significatif sur le niveau d’inquiétude et d’anxiété.

Quelques détails concernant l’étude

Les résultats de la recherche se basent sur les réponses de 105 parents d’enfants allergiques habitant le Royaume-Uni. Tous les participants ont rempli un questionnaire en ligne entre avril et novembre 2018. Chaque section du questionnaire évaluait un aspect du stress vécu par les parents d’enfants allergiques (anxiété, inquiétude, symptômes de stress post-traumatique) ou encore un facteur pouvant potentiellement influencer ces aspects (intolérance à l’incertitude, capacité à bien gérer l’allergie alimentaire de son enfant, sévérité de l’allergie).

Concernant les symptômes de stress post-traumatique chez les parents d’enfants allergiques, les chercheurs ont utilisé le questionnaire Impact of Events Scale – Revised. Ce questionnaire mesure les symptômes d’un traumatisme ressentis au cours des sept jours précédents, en lien ici avec l’allergie alimentaire de l’enfant (p. ex., le fait d’être témoin d’une réaction anaphylactique ou non anaphylactique chez son enfant, ou de découvrir qu’il a été exposé à un allergène). Les parents ayant rapporté des symptômes de stress post-traumatique avaient vécu l’événement traumatisant jusqu’à 10 ans auparavant.

Faire face au stress en tant que parent denfant allergique

Si vous êtes le parent d’un enfant allergique et que vous vivez de l’inquiétude ou de l’anxiété par rapport à sa condition, sachez que vous n’êtes pas seul. D’ailleurs, il existe des outils simples et efficaces pour vous aider à en réduire l’impact sur votre quotidien.

« Quand on présente une intolérance à l’incertitude, on a tendance à chercher à prédire le futur, mais uniquement le négatif, explique la psychologue Anne-Pier Voyer. On oublie souvent que les choses peuvent aussi très bien se passer ! »

On peut penser par exemple à la participation de l’enfant allergique à la fête d’un ami. Le parent intolérant à l’incertitude envisagerait le pire scénario si son jeune participe à la fête : la réaction anaphylactique. Il s’agit effectivement d’une possibilité. Mais il y a fort à parier qu’avec les précautions nécessaires, on peut réduire le risque de manière significative. D’ailleurs, l’enfant aurait probablement beaucoup de plaisir à assister à cette fête !

Réduire limpact de linquiétude et de lanxiété chez le parent

Selon Anne-Pier Voyer, le parent inquiet ou anxieux face aux allergies alimentaires de son petit doit d’abord être conscient de ses distorsions cognitives. On peut décrire ces distorsions comme un biais qui amplifie le risque réel de réaction allergique chez l’enfant, et donc le stress vécu par le parent.  

La catastrophisation est un type de distorsion cognitive. Elle se caractérise par la tendance à prédire le pire d’une situation future, peu importe si cela représente ou non un risque réel. Par exemple : « si mon adolescent doit utiliser son auto-injecteur d’épinéphrine lors d’une réaction, il ne se rappellera pas comment s’en servir et personne ne sera en mesure de lui venir en aide ».

Un autre type de distorsion cognitive est la surgénéralisation. Elle se définit comme la tendance à penser que chaque événement fait partie d’une série d’événements négatifs qui continueront de survenir. On peut par exemple penser à un parent dont l’enfant a déjà fait une réaction allergique lors d’une sortie scolaire. Ce parent pourrait alors se dire : « maintenant, je sais que toutes les fois où mon enfant sera en sortie scolaire, l’école m’appellera pour m’informer qu’un incident s’est produit lors du dîner ».

Cibler les comportements à risque

Dre Voyer reconnaît deux types de comportements engendrés par les distorsions cognitives et capables de les amplifier ou de les renforcir dans le temps : les comportements d’évitement et de réassurance (utilisés pour se rassurer). « Ces comportements amènent une réduction temporaire du stress chez la personne, explique la psychologue. Ils lui permettent de se sentir plus en contrôle de la situation, mais à terme, ils ne font que maintenir et exacerber l’anxiété. »

Exemples de comportements d’évitement :

  • « Mon enfant ne participera pas à cette activité, c’est trop dangereux ! »
  • « Mon enfant pourrait manger au restaurant avec une certaine supervision, mais j’apporte toujours son lunch. »
  • « Je ne veux pas que mon mari s’occupe de la préparation des repas à la maison. »

Exemples de comportements de réassurance :

  • Bien que l’on suggère aux personnes allergiques de relire l’étiquetage des aliments plusieurs fois, le fait de relire constamment les étiquettes des aliments avant de les offrir à son enfant serait un exemple de comportement de réassurance, par exemple à l’épicerie, en revenant à la maison, avant de donner l’aliment à l’enfant et après lui avoir offert ;
  • Poser à répétition les mêmes questions sur les groupes d’entraide en ligne ;
  • Relaver plusieurs fois le comptoir de cuisine afin de le débarrasser des possibles allergènes, alors que celui-ci a déjà été lavé plusieurs fois dans l’heure précédente.

Pour réduire les distorsions cognitives, Dre Voyer propose aux parents de rester à l’affût de celles-ci, de même que des comportements qui pourraient alimenter leur anxiété. Pour ce faire, le parent pourrait par exemple se poser la question suivante : « Dans la situation actuelle, est-ce que je dépasse la limite du nécessaire pour assurer la sécurité de mon enfant ? ».

Pour Dre Voyer, un certain niveau d’anxiété est nécessaire pour assurer une vigilance adéquate avec la gestion des allergies alimentaires de son enfant. Toutefois, une personne trop anxieuse verra sa qualité de vie diminuer. « Il faut donc trouver un juste milieu », conclut la psychologue.

Quelques ressources pour les parents denfants allergiques

  • Le T.R.A.C.E. — Post-Anaphylaxis Reminders (en anglais seulement). Il s’agit d’un outil en cinq étapes, développé par la thérapeute Tamara Hubbard. Il permet aux personnes allergiques et à leurs parents de mieux comprendre les sentiments que l’on peut ressentir après avoir vécu une anaphylaxie ou en avoir été témoin. L’outil aide également à évaluer les actions qui peuvent être posées pour rétablir la confiance en soi.
  • Le balado Manger sans crainte d’Allergie Québec, qui explore les nombreuses facettes de l’allergie alimentaire, notamment son impact sur la santé mentale, en compagnie de spécialistes. Pour ceux et celles qui parlent anglais, le balado Exploring Food Allergy Families (en anglais seulement), animé par Tamara Hubbard, se veut une autre bonne source d’informations.
  • Les groupes d’entraide en ligne. Ils fournissent des renseignements, des points de vue et des expériences en lien avec la réalité des personnes allergiques et leur famille. Dre Voyer conseille cependant d’éviter de passer trop de temps sur ces groupes. En effet, dans certains cas, ils pourraient contribuer à alimenter l’anxiété.
  • Le site d’Allergies Québec, qui regorge d’informations concernant les allergies alimentaires, leur gestion, leur prévention et les différents aspects psychologiques qui s’y rattachent. Pensez à y jeter un coup d’œil !

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[1] Roberts, K., Meiser-Stedman, R., Brightwell, A. et Young, J. (11 mars 2021). Parental anxiety and posttraumatic stress symptoms in pediatric food allergy. Journal of Pediatric Psychology, 46(6):688-697. DOI 10.1093/jpepsy/jsab012.