Rechercher

Développer son estime de soi lorsque l’on vit avec des allergies alimentaires

estime de soi

Saviez-vous que l’estime de soi entraîne des répercussions sur le quotidien des personnes vivant avec des allergies alimentaires ? Pour faire le point sur le sujet, Allergies Québec s’est entretenu avec Dre Rachel Boisjoli, psychologue, qui nous explique ce qu’est l’estime de soi et nous offre des conseils pour nous aider à la développer dans un contexte d’allergies alimentaires.

Allergies Québec – Dre Boisjoli, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’estime de soi ?

Dre Boisjoli – L’estime de soi est la vision que l’on a de soi-même. Normalement, une personne qui a une bonne estime de soi est consciente de ses forces et elle est confiante lorsque vient le temps de les mettre de l’avant. Elle connaît ses faiblesses, mais plutôt que de les laisser interférer avec certains aspects de sa vie, elle tente de les améliorer. Elle a aussi de la compassion pour elle-même et accepte de commettre des erreurs.

Allergies Québec – Quels sont les signes qui laissent croire qu’une personne a une faible estime de soi ?

Dre Boisjoli – Une personne ayant une faible estime de soi aura tendance à se mépriser, à se rabaisser par rapport à autrui, à douter d’elle-même. Elle prendra l’habitude de mettre les autres de l’avant, puisqu’elle croit qu’ils réussissent mieux qu’elle, qu’ils sont plus importants. Elle se préoccupera beaucoup du regard des autres, qu’elle utilise pour se valider, pour se rassurer. Toutes ces caractéristiques constituent des indices d’une faible estime de soi, mais aussi des signes d’anxiété. Les deux sont interreliés.

J’aime bien illustrer le rapport entre l’estime de soi et l’anxiété à l’aide d’une balance à deux plateaux. Lorsque le plateau de l’anxiété monte, celui de l’estime de soi tend à baisser. En effet, un individu anxieux se trouve dans un état de peur. Dans ce contexte, il peut difficilement se sentir en confiance avec lui-même ou avec une autre personne, ce qui affecte son estime.

Il existe également un lien entre l’estime et la conscience de soi. Souvent, les personnes qui ont une faible estime de soi auront tendance à se voir d’une manière très négative, leur vision d’elles-mêmes manquant d’objectivité.

Allergies Québec – Quel est le lien entre l’estime de soi et les allergies alimentaires ?

Dre Boisjoli – La personne qui vit avec des allergies alimentaires est souvent très anxieuse et par le fait même hypervigilante, ce qui est généralement une bonne chose considérant que certains aliments représentent pour elle un danger réel. Dans son quotidien, elle doit donc faire quelque chose qui est contre-indiqué pour l’anxiété : toujours vérifier et revérifier pour s’assurer de l’absence d’allergènes.

Par exemple, une personne allergique au lait qui se procure un produit à l’épicerie regardera la liste des ingrédients avant de passer à la caisse. Elle la vérifiera à nouveau plus tard, lorsqu’elle rachètera le même produit, pour être certaine que la recette n’a pas changé depuis son dernier achat. Le problème est que même si le risque est réel, le niveau de danger peut être surévalué. Cette vigilance constante s’avère anxiogène et peut affecter négativement l’estime de soi.

Allergies Québec – Quelles répercussions une faible estime de soi peut-elle entraîner chez une personne qui vit avec des allergies alimentaires ?

Une personne dont l’estime de soi s’affaiblit deviendra plus anxieuse et moins confiante face à ses allergies et face à la vie en général. Elle se sentira plus dépendante des autres et cherchera à se faire rassurer plus fréquemment. Et si elle perd confiance en elle, en ses capacités, elle se sentira découragée, ce qui pourrait entraîner avec le temps des symptômes dépressifs.

Allergies Québec – Comment une personne qui vit avec des allergies alimentaires peut-elle développer son estime de soi ?

Dre Boisjoli – Une manière d’améliorer l’estime de soi est de développer des moyens pour diminuer l’anxiété associée aux allergies alimentaires. Pour ce faire, la personne doit d’abord comprendre qu’elle n’est pas toujours en danger. Elle pourra ensuite mettre en place des mécanismes pour renforcer son estime de soi, par exemple en travaillant sur sa conscience de soi, en misant sur ses forces et en s’affirmant davantage. Ceci l’aidera à circonscrire le problème de l’allergie et à développer des comportements mieux adaptés pour en assurer la gestion, évitant ainsi que l’allergie devienne envahissante et que l’anxiété élevée interfère avec son fonctionnement global.

Une autre manière de renforcer l’estime de soi est de normaliser les différences. En effet, se sentir différent des autres ou avoir besoin de soins particuliers peut affecter l’estime de soi. Les personnes qui vivent avec des allergies alimentaires, enfants ou adultes, doivent comprendre que leurs allergies ne constituent pas une faiblesse, tout comme c’est le cas, par exemple pour le diabète chez la personne qui en souffre. Elles doivent apprendre à se définir en fonction de toutes leurs caractéristiques et non seulement par leurs allergies.

Allergies Québec – Comment peut-on aider son enfant ou son adolescent à développer son estime de soi s’il vit avec des allergies alimentaires ?

Dre Boisjoli – En ce qui concerne plus particulièrement les enfants, on peut les aider à développer leur estime de soi en les encourageant à s’exprimer, en les écoutant lorsqu’ils parlent et en étant prêt à entendre leurs critiques. Une bonne communication entre l’enfant et ses parents favorisera une bonne estime de soi. Les parents gagneront également à miser sur les forces de leur enfant et à favoriser l’autonomie pour la gestion de ses allergies, en tenant compte de son âge et de son niveau de maturité. Félicitez votre enfant quand il fournit des efforts ou qu’il a fait de son mieux. Encouragez-le à exprimer ses besoins et ses émotions.

Ainsi, pour aider son enfant à bâtir une bonne estime de soi, le parent doit lui permettre de développer peu à peu de bonnes habiletés dans la gestion de ses allergies, comme en lui apprenant dès un jeune âge à lire une liste d’ingrédients. Les parents peuvent avoir tendance à surprotéger un enfant qui vit avec des allergies alimentaires, mais à long terme, cette surprotection pourrait lui nuire (voir encadré).

Le principe de l’impuissance acquise

Martin Seligman, chercheur en psychologie et professeur à l’Université de Pennsylvanie, a observé dans les années 1970 que si l’on donnait à des chiens des décharges électriques à répétition alors qu’ils n’avaient aucune possibilité de les éviter, ils en venaient à se résigner à les subir. Cette observation mena celui que l’on surnomme le père de la psychologie positive à développer plus tard le concept de l’impuissance acquise [1].

On définit l’impuissance acquise comme un état d’impuissance qui apparaît lorsqu’une personne se trouve de manière répétée dans une situation où elle a l’impression de n’avoir aucun contrôle et de laquelle elle ne peut s’échapper. Sans possibilité de contrôler différents éléments de son quotidien, l’individu en vient à adopter une attitude résignée et passive face à la vie.

Dre Boisjoli explique que le principe de l’impuissance acquise pourrait s’appliquer chez certains enfants qui vivent avec des allergies alimentaires et dont les parents ont une tendance à la surprotection. Ce pourrait être le cas, par exemple, pour le parent qui veut contrôler tous les aspects de la gestion des allergies de son enfant, sans transférer peu à peu cette responsabilité vers lui lorsqu’il grandit. Cette surprotection contribue avec le temps à affaiblir l’estime de soi de l’enfant, puisque celui-ci n’apprend pas qu’il est capable de prendre lui-même le contrôle de ses allergies.

Du côté des adolescents, mais aussi des adultes, on peut renforcer l’estime en travaillant l’affirmation de soi. Ce faisant, la personne qui vit avec des allergies alimentaires prendra confiance en ses capacités et apprendra à se mettre de l’avant. Un individu qui est capable de nommer ce dont il a besoin, d’exprimer son ressenti et de poser des limites reconnaît le fait qu’il a de la valeur, ce qui l’aide à développer son estime de soi !

Si vous ou votre enfant vivez avec des allergies alimentaires et présentez des signes d’anxiété ou autres qui pourraient être associées à une faible estime de soi, n’hésitez pas à consulter un psychologue. Ce professionnel pourra vous aider à ramener l’anxiété et l’estime de soi vers un état d’équilibre en fonction de votre situation. Contacter notre ligne de soutien téléphonique pour de plus amples informations.

[1]    Ric, F. (1996). L’impuissance acquise (learned helplessness) chez l’être humain : une présentation théorique. L’année psychologique, 94(4), 667-702.

Je deviens membre de la communauté

Pour connaitre les dernières actualités et bénéficier de services gratuits, abonnez-vous à l’infolettre d’Allergies Québec. Vous devenez ainsi membre de l’association, sans aucuns frais.