Briser l’isolement et mieux vivre avec ses allergies alimentaires

Par Katia Vermette

Les allergies alimentaires bouleversent une vie. Afin d’aider les personnes allergiques à développer des habitudes pour mieux vivre au quotidien et briser l’isolement, Allergies Québec a posé quelques questions à la psychologue Sophie Beugnot.

La majorité de ceux et celles qui vivent avec des allergies alimentaires s’adapte bien aux défis qu’amène leur réalité. Mais il va sans dire que des changements doivent être apportés dans leur vie, changements qui ne sont pas tous sans conséquence.

Qu’à cela ne tienne! En cultivant certaines habitudes, qui vous seront présentées à la fin de cet article, le quotidien de la personne allergique peut être grandement facilité, notamment sur le plan social.

Allergies Québec — Quelles conséquences psychologiques l’allergie alimentaire peut-elle avoir sur la personne allergique, sur ses parents, sur ses proches?

Sophie Beugnot — D’abord, on sait que la vigilance et l’évitement strict des aliments allergènes peuvent devenir lourds à respecter au quotidien. Ainsi, pour s’éviter les ajustements et la planification additionnelle nécessaires, les personnes allergiques (ou leurs parents) pourraient s’abstenir de participer à une activité, et ainsi se priver d’une expérience agréable.

On pourrait aussi observer une préoccupation et de l’anxiété par rapport au risque qu’une réaction allergique accidentelle survienne, sentiments qui ont le potentiel de s’amplifier, du moins temporairement, lorsqu’une nouvelle situation se présente (ex. : rentrée à la garderie ou à l’école) ou à la suite d’une réaction allergique. L’allergie alimentaire peut même parfois amener le développement d’une anxiété sévère.

Certaines personnes allergiques, notamment les enfants et les adolescents, pourraient aussi avoir le sentiment d’être différentes et de ne pas pouvoir faire les choses comme les autres à cause de leurs allergies.

Allergies Québec — Comment peut-on limiter les conséquences psychologiques de l’allergie alimentaire au quotidien?

Sophie Beugnot — De bonnes stratégies d’adaptation peuvent diminuer l’impact psychologique des allergies alimentaires. Ces stratégies sont axées surtout sur l’adoption de comportements qui favorisent une bonne intégration sociale, tout en évitant les allergènes. Il s’agit, pour la personne allergique, de trouver l’équilibre délicat entre l’évitement nécessaire des allergènes et la participation à des activités.

Voici quelques stratégies pour y arriver :

  • Plutôt que de refuser une invitation à une fête d’enfants ou au restaurant, faire part de ses besoins à l’hôte ou au restaurant, et évaluer ses options (ex. : avoir un repas sans allergènes, amener son propre repas ou une partie de son repas).
  • Recadrer les pensées qui amplifient le sentiment d’être différent, en notant que les autres semblent peu s’en préoccuper ou seulement de façon passagère, avec une curiosité souvent amicale. Rappelons que l’allergie n’est que l’une des multiples caractéristiques d’une personne.

Pour gérer l’anxiété, on visera à recadrer ou à nuancer les pensées catastrophiques. Il est ainsi préférable d’évaluer les risques sans les amplifier, tout en développant son sentiment de confiance.

Pour ce faire, voici quelques stratégies de base :

  • Savoir lire l’étiquetage nutritionnel et reconnaître les allergènes;
  • Apprendre à dire non aux aliments qui pourraient contenir des allergènes;
  • Ne pas avoir peur de communiquer ses besoins clairement à son entourage;
  • Savoir reconnaître et traiter une réaction allergique;
  • Porter son auto-injecteur sur soi, en tout temps.

En général, lorsque ces précautions de base sont respectées, les risques sont très bien gérés.

En ce qui concerne les enfants plus jeunes, on peut leur apprendre graduellement, selon leur âge, à devenir autonomes et à adopter des stratégies de gestion des risques.

Allergies Québec — Comment une personne allergique peut-elle contrer l’isolement qu’amène parfois les allergies alimentaires?

Sophie Beugnot — Il faut d’abord distinguer le sentiment ou la perception d’isolement de l’isolement réel relié à un entourage peu soutenant qui exclut la personne allergique, que ce soit volontairement (ex. : intimidation) ou non (ex. : manque de compréhension des risques réels reliés à une allergie alimentaire).

Ensuite, on recadrera les pensées catastrophiques face au risque de réaction allergique susceptibles d’entraîner un évitement excessif et ainsi de provoquer de l’isolement.

Si une activité est jugée trop dangereuse (s’il n’y a pas d’évitement excessif), la personne allergique peut évidemment se donner le droit de ressentir de petits deuils d’expériences manquées, tout en se rappelant que ces expériences sont très probablement rares.

Finalement, la personne allergique gagnera à développer ses habiletés sociales et sa confiance en elle, afin de ne pas d’emblée se tenir à l’écart et se rallier aux autres, pour ainsi surmonter le sentiment d’isolement.

Voici une liste d’habitudes à cultiver pour briser l’isolement :

Habitudes sociales :

  • Au lieu de s’exclure d’emblée d’une activité, trouver des moyens d’y participer en procédant à des ajustements qui rendront l’expérience plus sécuritaire.
  • Parler ouvertement et directement de ses allergies, autant pour donner le signal à son entourage qu’il est normal d’en parler que pour éduquer ses proches et faire connaître ses besoins.
  • Accepter qu’il faille éduquer son entourage sur les allergies alimentaires. La plupart des gens sont ouverts et soutenants.

Habitudes dans la façon de se percevoir :

  • Surmonter le sentiment de honte ou de différence en focalisant sur tout ce que l’on a en commun avec les autres, au-delà de ses différences.
  • Accepter ses différences, mais aussi celles des autres.
  • Développer sa confiance en soi, une estime de soi axée sur ses qualités en tant que personne, sur ses capacités et ses intérêts particuliers et qui ne sont pas en lien avec ce qui peut ou non être mangé.
  • Ne pas se définir seulement par ses allergies. Une personne est beaucoup plus que ses allergies alimentaires!

Habitudes de gestion de l’anxiété :

  • Identifier et nuancer les pensées catastrophiques qui amplifient la perception du danger et augmentent le sentiment d’impuissance et d’anxiété, par exemple :
  • « C’est trop dangereux, donc on n’ira pas »
  • « Il y aura des allergènes partout si mon enfant mange à l’école. »
  • « Je ne peux pas aller au souper de Noël avec mes collègues. »
  • S’entraîner à cibler les risques réels et utiliser des stratégies pour les contrer :
  • Identifier les allergènes qui risquent d’être présents et une façon de les éviter (ex. : choisir le lieu et la façon de manger son repas pour éviter la contamination croisée et le contact accidentel, amener son propre repas, manger avant l’évènement).
  • S’assurer d’une bonne communication avec ses proches pour qu’ils sachent éviter la contamination croisée et le contact avec les allergènes, mais aussi réagir en cas d’urgence.
  • Avoir un plan d’urgence en place. S’assurer de bien le connaître et le transmettre aux autres (ex. : éducateurs, amis, collègues), au besoin.
  • Toujours avoir sur soi son auto-injecteur d’adrénaline.
  • Être prêt à réagir en cas d’urgence.
  • Se concentrer sur ce qui peut être contrôlé plutôt que sur ce qui n’est pas sous son contrôle.
  • Éviter de se rassurer par des stratégies d’évitement excessives qui vont au-delà de ce qui est raisonnablement protecteur.

L’objectif est de se protéger et non de se rassurer. Adopter de bonnes stratégies de gestion de l’allergie afin de trouver un juste équilibre entre éviter une réaction allergique grave et participer à des activités qui sont tout aussi nécessaires au bien-être.

L’utilisation des multiples ressources accessibles en ligne est fortement suggérée aux personnes qui se sentent démunies face à l’allergie alimentaire, dont les groupes de soutien et le parrainage. Notons aussi l’importance du soutien psychologique d’un professionnel en santé mentale spécialisé en allergies alimentaires, dont ceux formés par Allergies Québec.

Si vous vivez avec des allergies alimentaires ou êtes le parent d’un enfant allergique et que vous désirez connaître les ressources qui s’offrent à vous, communiquez avec la ligne de soutien d’Allergies Québec.

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