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Comment expliquer le déni, l’incompréhension et la réticence que suscitent les allergies alimentaires?

À l’approche des fêtes, tentons de mieux comprendre pourquoi la réalité des allergies alimentaires est difficile à saisir pour certains de nos proches.

Au cours des dernières années, des efforts de sensibilisation aux allergies alimentaires ont permis à plusieurs d’en apprendre davantage sur cette réalité qui touche environ 4 % de la population. Malgré tout, certains comprennent toujours mal les allergies alimentaires et considèrent encore à tort les personnes allergiques comme trop prudentes ou même capricieuses. À l’approche des fêtes, Allergies Québec vous propose des pistes de réflexion pour mieux comprendre ce qui pousse certains individus à exprimer des réticences au sujet des allergies alimentaires.

Biais de normalité

Josiane invite son nouvel ami Maxim à manger chez elle. Puisque Maxim est allergique au soya, Josiane porte une attention particulière à ce que le souper qu’elle cuisine ne contienne pas son allergène : elle ne fera aucune recette à base de tofu et n’ajoutera pas de lait de soya à son repas. Ces deux aliments sont, selon elle, les seuls qui sont fabriqués à partir de soya. Pour cette raison, la jeune femme ne vérifie pas la liste des ingrédients des aliments qu’elle utilise pour préparer son menu. De toute manière, elle estime qu’il n’y a aucun danger pour Maxim de consommer des aliments qui contiennent de petites quantités de soya.

Josiane pourrait présenter ce que l’on appelle un biais de normalité, qui se définit comme une tendance à sous-estimer ou à banaliser les risques d’une situation qui ne correspond pas à l’expérience courante d’une personne. Celle-ci croit donc que la vie continuera normalement, même en présence de dangers ou face à des catastrophes [1].

Le biais de normalité peut aussi faire en sorte que certains individus auront tendance à croire qu’une menace n’est pas sérieuse puisqu’elles n’en ont jamais subi les conséquences. Ainsi, quelqu’un qui n’a jamais été témoin d’une réaction allergique, comme Josiane, pourrait ne pas comprendre l’importance d’éviter toute trace d’un allergène.

Théorie des valeurs

Les perceptions erronées de certains individus par rapport aux allergies alimentaires pourraient s’expliquer en partie par ce que l’on appelle la théorie des valeurs de Schwartz. Cette théorie soutient que les comportements et les attitudes des humains découlent de dix valeurs fondamentales qui sont l’autonomie, la stimulation, l’hédonisme, la réussite, le pouvoir, la sécurité, la conformité, la tradition, la bienfaisance et l’universalisme [2].

Selon cette théorie, deux personnes dont les valeurs sont opposées pourraient entrer en conflit. Prenons l’exemple de Camille, une jeune femme allergique au lait. Camille valorise grandement la sécurité. Elle regarde donc toujours la liste des ingrédients avant de consommer un aliment afin de s’assurer qu’il ne contient pas de lait. Elle le fait chez elle autant que lorsqu’elle est invitée à manger chez un proche. Elle sait en effet par expérience que des malentendus peuvent survenir, même quand l’hôte a les meilleures intentions.

Lorsqu’elle arrive chez sa tante Marie pour le réveillon de Noël, Camille lui demande de voir les emballages des aliments qu’elle a utilisés pour préparer le dessert. Marie, qui valorise l’autonomie, se sent alors offensée et rétorque : « Fais-moi confiance, si je te dis qu’il n’y a pas de lait dans cette recette, c’est qu’il n’y en a pas ! ». Ici, les valeurs de sécurité et d’autonomie s’opposent, ce qui crée un conflit entre Camille et Marie.

Perception du risque

Avez-vous parfois l’impression que les personnes qui n’ont aucune allergie agissent sans considérer les risques pour les individus allergiques ? Leur perception du risque diffère peut-être de la vôtre. Est-ce à dire qu’ils ne se préoccupent pas de votre sécurité ? Pas nécessairement…

Une étude publiée en 2011 a évalué la perception du risque qu’avaient les Canadiens face aux allergies alimentaires [3]. On y apprend que, malgré le fait que la plupart des répondants au sondage (95 %) reconnaissaient qu’une petite quantité d’un allergène pouvait causer une réaction allergique (à un degré de sévérité non spécifié), près de la moitié (42 %) croyaient que les réactions allergiques étaient traitables facilement.

La même étude révélait aussi que les parents d’enfants mineurs, les femmes et les personnes vivant dans des familles où plusieurs membres étaient allergiques considéraient plus souvent les allergies alimentaires comme un risque élevé. Au contraire, les hommes et les individus plus jeunes avaient tendance à associer les allergies alimentaires à un risque plus faible. La perception du risque semble donc varier d’un groupe de personnes à l’autre.

La perception du risque est un concept bien étudié dans le domaine de la consommation et de la santé [3, 4]. En gros, le principe veut que la manière dont un individu perçoit un risque  influence ses comportements.

Prenons l’exemple de Laura, nouvellement allergique aux crevettes. Chaque année, au réveillon de Noël, la famille de Laura organise un potluck. Cette année, Laura percevra certainement le risque de contamination croisée plus élevé que lors des fêtes précédentes et prendra les précautions nécessaires pour ne pas entrer en contact avec ses allergènes. Ses proches, peu familiers avec les allergies alimentaires, pourraient alors percevoir un risque plus faible que Laura et ainsi considérer ses précautions exagérées.

Informer et sensibiliser dans la bienveillance

Le biais de normalité, la théorie des valeurs de Schwartz et la perception du risque ne sont que quelques exemples des principes, théories et biais cognitifs qui peuvent expliquer, en partie du moins, pourquoi certains individus présentent des réticences au sujet des allergies alimentaires ou semblent ne pas saisir tout à fait la réalité des personnes allergiques. La plupart du temps, le problème vient d’un manque de connaissances sur le sujet.

Voici quelques pistes de réflexion pour favoriser une meilleure compréhension entre vous et vos proches en ce qui concerne les allergies alimentaires à l’approche des fêtes :

  • Avez-vous pensé à vous mettre à la place de vos proches qui ne sont pas familiers avec les allergies alimentaires, malgré ce qui peut sembler un manque de sensibilité à votre égard? Faire preuve d’empathie et tenter de déterminer pourquoi ils vous considèrent comme capricieux ou refusent d’adapter leur menu pour assurer votre sécurité ou celle de votre enfant vous permettra d’adapter vos explications lorsque vous exprimerez vos besoins. Cette approche pourrait vous permettre de déjouer des a priori tenaces.
  • Avez-vous pris le temps d’expliquer pourquoi vous ne voulez plus participer au menu buffet du temps des fêtes depuis que votre enfant a obtenu un diagnostic d’allergies alimentaires ? N’assumez pas d’emblée que votre entourage comprend votre réalité sans vous être au préalable arrêté pour en discuter calmement avec eux.
  • Avez-vous essayé de trouver des solutions ou des compromis qui vous permettraient de participer aux festivités de Noël en toute sécurité tout en préservant les traditions familiales ? Apporter votre repas ou celui de votre enfant, proposer de recevoir la famille au lieu d’être reçu, offrir à l’hôte de contribuer à la préparation du menu pour vous assurer de l’absence d’allergènes… quelquefois, les solutions sont plus accessibles qu’on le croit ! Pour plus d’information à ce sujet, visitez notre page sur les célébrations.

Rares sont ceux qui ne feront aucun effort pour garantir la sécurité des personnes allergiques lorsqu’elles comprennent pourquoi ces efforts sont nécessaires. Il faut parfois seulement s’arrêter pour y réfléchir… et entamer la discussion dans la bienveillance !

Joyeuses fêtes à tous !

 

Références

[1]       The decision lab. (s. d.). Pourquoi croyons-nous que rien de mal n’arrivera? https://thedecisionlab.com/languages/fr-ca/biases/normalcy-bias

 

[2]       Schwartz, S. H. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française de sociologie, 4(47), 929-968. https://shs.cairn.info/article/RFS_474_0929?lang=fr&ID_ARTICLE=RFS_474_0929

 

[3]       Harrington, D. W., Elliott, S. J., Clarke, A. E., Ben-Shoshan, M. et Godefroy, S. (2012). Exploring the Determinants of the Perceived Risk of Food Allergies in Canada. Human and Ecological Risk Assessment: HERA, 18(6), 1338–1358. https://doi.org/10.1080/10807039.2012.722857  

 

[4]       Gaube, S. et Lermer, E. (2019). The concept of risk perception in health-related behavior theory and behavior change. Dans M. Raue, B. Streicher et E. Lermer (dir.), Perceived safety, (150 pages). Springer Nature Switzerland AG.

 

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