Témoignage : s’adapter à la pandémie lorsque l’on vit avec des allergies alimentaires

Le fils de Jessy Ranger vit avec de multiples allergies alimentaires. Elle nous explique comment la famille s’ajuste à la pandémie.

Philippe a quatre ans. À l’âge de six mois, il a reçu un diagnostic d’allergies alimentaires. Avant qu’il ne fête ses 12 mois, 30 allergies s’étaient déclarées. Même si plusieurs sont disparues, ce sont aujourd’hui 15 aliments qu’il doit éviter : le blé, l’orge, le seigle, les œufs, le lait (cru), les arachides, les cachous, les pistaches, les poissons blancs (sauf la morue), la truite et les bananes.

En décembre 2018, Philippe a débuté un protocole d’immunothérapie à la Clinique d’immunothérapie orale (CITO) du CHU Sainte-Justine pour cinq de ses allergènes (blé, lait, œufs, arachides et cachous). Mais au moment où les possibilités alimentaires commençaient à s’ouvrir pour Philippe, la COVID-19 a frappé de plein fouet le Québec. Sa mère, Jessy Ranger, nous explique comment la famille a vécu la pandémie jusqu’à présent.

Allergies Québec – La pandémie de COVID-19 a-t-elle affecté votre qualité de vie avec les allergies alimentaires de votre fils ?

Jessy Ranger —Au début, on se sentait un peu angoissés. On a eu peur de manquer de certains aliments que l’on aime beaucoup ou que Philippe aime beaucoup, et qu’il n’y ait pas possibilité de les substituer. On a eu peur que les commerces où l’on pouvait acheter ces aliments ne survivent pas à la pandémie et ferment leurs portes. On penchait plus du côté pessimiste qu’optimiste, parce qu’on savait que le virus ne disparaîtrait pas en quelques semaines.

Un peu comme tout le monde, la pandémie m’a amenée à être un peu plus compulsive, surtout au début, quand les gens se sont rués vers les farines, les œufs et le lait. Je m’assurais d’acheter régulièrement des produits sécuritaires et d’encourager les commerces où l’on trouvait ces produits pour qu’ils restent ouverts. J’ai aussi stocké des tétrapack de lait Grand PréMC et j’ai commencé à acheter des œufs en paquets de 24, parce que je me disais qu’au pire, je pourrais congeler des portions.

La farine, le lait et les œufs font partie de l’immunothérapie de Philippe. S’il arrête d’en manger sur une base régulière, on pourrait perdre tous les progrès faits depuis un an et demi. Et on a fait des pas de géant ! Même si notre alimentation sera toujours différente, c’est extraordinaire ce que l’immunothérapie nous a offert en ce qui concerne les choix alimentaires. C’est donc un deuil de penser qu’en raison de la pandémie, on pourrait perdre les acquis de l’immunothérapie qui nous ont fait vivre de bons moments, découvrir de nouvelles choses et permis de voir le bonheur de notre enfant lorsqu’il mangeait un nouvel aliment.

Allergies Québec – Depuis le début de la pandémie, avez-vous eu à relever des défis sur le plan alimentaire ?

Jessy Ranger —Nous n’avons pas vécu de réelles difficultés à ce niveau. On a réussi à trouver les produits et aliments sécuritaires que l’on utilise régulièrement dans des commerces près de chez nous et grâce aux achats en ligne. Le seul produit que nous ne trouvons plus, mais que nous pouvons substituer, est la farine sans gluten. La farine que l’on utilisait était la farine sans gluten de la marque maison de Métro. On ne réussit plus à la trouver. Mais on arrive tout de même à acheter différentes farines sans gluten que je mélange moi-même. Je ne réussis pas toujours mes recettes du premier coup, mais ce n’est pas la fin du monde ! Parallèlement à ça, nous continuons à encourager les commerces locaux qui font des pâtisseries sécuritaires pour Philippe et qui sont encore ouverts, en espérant qu’avec notre contribution, ils pourront survivre.

Allergies Québec – Vous sentez-vous plus vulnérables face au fait que votre fils pourrait développer une anaphylaxie en ce temps de pandémie ?

Jessy Ranger —Je ne me sens pas plus vulnérable à la possibilité que Philippe développe une réaction allergique, parce qu’à la maison, je peux contrôler l’environnement. Par contre, je me sens plus vulnérable face à l’accessibilité des soins, dans l’éventualité où nous aurions à nous rendre à l’hôpital pour une réaction allergique.

Avec la pandémie, on ne veut surtout pas que Philippe développe une réaction allergique parce qu’on ne veut pas avoir à se rendre à l’hôpital. On ne veut pas être exposés inutilement au coronavirus dans le milieu hospitalier, même si l’on sait que les hôpitaux sont relativement « en contrôle ». En temps normal, si Philippe doit se rendre à l’hôpital, je sais que le personnel sera présent et accessible et qu’il sera bien pris en charge. En ce moment, j’aurais un doute, puisque je ne sais pas dans quel état se trouverait l’hôpital dans lequel nous serons amenés et à quel point le personnel serait affecté par le virus. C’est insécurisant.  

Allergies Québec — Avez-vous identifié des aspects positifs à la pandémie en lien avec les allergies alimentaires de votre fils ?

La pandémie crée évidemment de l’insécurité dans notre vie, puisqu’il s’agit d’une nouvelle situation. D’un autre côté, certains aspects de la situation me rassurent. Je pense par exemple au fait que Philippe commencera la maternelle l’automne prochain. Cette transition de la garderie vers l’école est très insécurisante pour nous. Il s’agira d’un nouveau milieu à apprivoiser, tout sera à recommencer avec du nouveau personnel, de nouveaux amis.

Cependant, dans le contexte actuel de pandémie, cette transition vers l’école est, dans un sens, rassurante pour nous. Actuellement, les enfants qui fréquentent l’école primaire doivent respecter la distanciation physique de deux mètres et les surfaces sont régulièrement nettoyées. Je n’aurai donc pas à m’inquiéter de la contamination croisée ni du partage possible de nourriture. La pandémie enlève donc indirectement un poids de nos épaules.

Allergies Québec tient à remercier Jessy Ranger pour son témoignage éclairant. Bon courage à tous dans cette période d’incertitude!