Dis-moi où tu habites et je te dévoilerai tes allergies…

Par Katia Vermette, rédactrice

Selon l’Organisation mondiale de la santé, les allergies alimentaires affecteraient à travers le monde 4 % à 6 % des enfants et 1 % à 3 % des adultes [1]. Et, bien qu’une tendance à la hausse soit généralisée à l’échelle du globe, des disparités entre les pays attirent aujourd’hui l’attention. Serait-ce une question d’habitudes alimentaires?

Les allergènes prioritaires diffèrent d’un pays à l’autre

Au Canada, dix allergènes prioritaires (lait de vache, œufs, soya, blé, arachides, noix, poissons, fruits de mer, moutarde et sulfites) provoquent à eux seuls 90 % des réactions allergiques [2]. Or, les allergènes prioritaires ne sont pas les mêmes pour tous les pays. Ainsi, on associe le riz à l’apparition de réactions allergiques en Thaïlande. Il y a également le blé à Hong Kong, le porc en Corée, le sésame en Israël et la banane en Égypte [3].

Les habitudes alimentaires d’un pays influenceraient la prévalence des allergies

Les habitudes de consommation sont propres à chaque région du monde : on boit du thé vert au Japon, on mange du riz en Chine et on cuisine les légumineuses en Inde. Mais, dans certains pays, des produits à la base de l’alimentation sont associés à une prévalence élevée d’allergies alimentaires.

À Singapour par exemple, on mange des fruits de mer en grande quantité. Dans ce pays, on estime que pas moins de 5,23 % des jeunes de 14 à 16 ans présenteraient une allergie aux crustacés [4]. À titre comparatif, cette même allergie affecterait 0,06 % des Canadiens de 0 à 18 ans [5].

Transportons-nous maintenant au Japon. Dans ce pays, on utilise le sarrasin comme substitut au blé dans la préparation de plusieurs plats [6]. Or, l’allergie à cet aliment s’avère l’une des plus fréquentes chez les jeunes d’âge scolaire [5]. On observe, en revanche, très peu d’allergies au sarrasin dans les régions du pays où il est peu ou pas consommer.

Ainsi, à Singapour et au Japon, on croit que les habitudes de consommation influenceraient l’apparition des allergies alimentaires. Par contre, il est important de noter qu’aucun lien n’a encore été et que d’autres facteurs pourraient entrer en ligne de compte.

La préparation des aliments influencerait leur allergénicité

Comme nous le savons, la méthode de préparation peut avoir un impact parfois considérable sur le potentiel allergène d’un aliment. C’est le cas notamment pour l’arachide, qui s’avère plus allergène si elle est rôtie plutôt que bouillie. C’est ce qui explique en partie qu’aux États-Unis et en Europe, où l’on consomme l’arachide rôtie, la prévalence de l’allergie à cet aliment soit si élevée, affectant respectivement 0,6 % et 1,0 % de la population. Au contraire, on fait bouillir la légumineuse en Chine et les cas d’allergies associés y sont peu fréquents [7].

On peut observer le même phénomène avec le poisson, que l’on consomme en grande quantité à Singapour et aux Philippines. En effet, seulement 0,26 % des jeunes de 14 à 16 ans vivant à Singapour présentent une allergie au poisson. Aux Philippines, la prévalence grimpe à 2,29 % pour la même tranche d’âge [4]. Cet écart pourrait notamment être expliqué par le fait qu’aux Philippines, on consomme le poisson séché ou salé alors qu’on le cuit à Singapour.

Des allergies alimentaires sont uniques à un pays

Alors que l’allergie aux arachides, au lait de vache et aux œufs s’observe partout dans le monde, certains aliments montrent un potentiel allergène bien particulier dépendamment du pays dans lequel on se trouve. On a, par exemple, vu apparaître au cours des dernières années une nouvelle allergie au galacto-oligosaccharide. Il s’agit d’un prébiotique présent dans les laits maternisés vendus en Asie, en Europe et aux États-Unis. Faits intéressants : l’allergie à ce composé ne s’observe que dans les pays d’Asie du sud-est et se développe, non pas chez les nourrissons, mais plutôt chez les enfants plus âgées et les adultes. On notera aussi l’allergie aux pois chiches qui est très répandue en Inde et l’allergie aux nids d’hirondelles, un aliment très recherché en Asie, que l’on trouve surtout à Singapour [3,4].

En terminant, sachez que les habitudes alimentaires n’expliquent pas, à elles seules, les écarts dans la prévalence des allergies entre pays. La génétique, l’allaitement ou encore la naissance par césarienne constituent autant de facteurs pouvant influencer les statistiques. Les données recueillies jusqu’à présent laissent même croire que le risque d’un individu s’ajusterait s’il quittait sa terre natale pour immigrer dans un autre pays. En effet, les immigrants en viendraient, avec le temps, à présenter un risque similaire à celui des habitants de leur pays d’adoption [5]. Comme quoi l’allergie alimentaire ne nous a pas encore dévoilé tous ses secrets…

[1] Organisation mondiale de la santé. Allergies alimentaires. Note d’information INFOSAN no3. 9 juillet 2006. http://www.who.int/foodsafety/fs_management/No_03_allergy_June06_fr.pdf (consulté le 14 mars 2016).
[2] Sicherer S. H. et Sampson H. A. Peanut and tree nut allergy. Curr Opin pediatr. 2000;12(6):567-573.
[3] Boye J. I. Food allergies in developping and emerging economies: need for comprehensive data on prevalence rate. Clin Transl Allergy, 20 décembre 2012;2(1):25.
[4] Lee A. J. et Shek L.P. Food allergy in Singapore: opening a new chapter. Singapore Med J. Mai 2014;55(5)244-7.
[5] Lee A. J et coll. Food allergy in Asia: how does it compare? Asia Pac Allergy. Janvier 2013;3(1):3-14.
[6] Wang T. C. et coll. Buckwheat anaphylaxis: an unusual allergen in Taiwan. Asian Pac Allergy Immunol. Juin-septembre 2006;24(2-3):167-70.
[7] Mondoulet L. et coll. Influence of thermal processing on allergenicity of peanut proteins. J Agric Food Chem. 1er juin 2005;53(11):4547-53.