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Et si votre cerveau vous protégerait des allergènes ?

De nouvelles données laissent croire que le cerveau pourrait protéger les personnes allergiques en leur faisant détester leurs allergènes.

Le cerveau étant un organe d’une grande complexité, pas étonnant qu’il fasse l’objet d’autant de recherches. Mais saviez-vous que le système immunitaire et le cerveau collaborent pour votre sécurité ? On pense par exemple que les interactions entre les systèmes nerveux et immunitaire pourraient amener, chez les individus allergiques, l’apparition de comportements d’aversion à leurs allergènes, ce qui les protégerait en quelque sorte de ceux-ci. C’est du moins l’hypothèse émise par un groupe de chercheurs américains ayant observé le phénomène chez des souris. Les résultats de leurs expérimentations ont été publiés en août 2023 dans la revue Nature [1].

Des souris qui changent de comportement

Peut-on développer une aversion à un aliment si on y est allergique ? Pour répondre à cette question, Esther B. Florsheim et son équipe ont vérifié si, chez la souris, une sensibilisation à l’ovalbumine pouvait provoquer l’apparition de comportements d’évitement de l’allergène.

Pour ce faire, l’équipe de scientifiques a utilisé deux groupes de souris : le premier réunissait des animaux sensibilisés à l’ovalbumine, une protéine allergène du blanc d’œuf, et le second servait de groupe contrôle (aucune sensibilisation). Au début de l’expérimentation, toutes les souris avaient accès à deux bouteilles remplies d’eau. Après une période d’acclimatation de quelques jours, le liquide de l’une des deux bouteilles fut remplacé par une solution d’ovalbumine.

Les chercheurs ont observé que les souris sensibilisées à l’ovalbumine tendaient à éviter la solution contenant l’allergène, alors que celles du groupe contrôle préféraient nettement la solution d’ovalbumine à l’eau ! Que se passait-il chez les souris allergiques ?

Une aversion qui prend racine dans le cerveau

Si vous avez déjà souffert d’une intoxication alimentaire, il y a fort à parier que votre système nerveux a associé la maladie avec l’ingestion du précédent repas. Dans les semaines ou les mois qui ont suivi l’infection, vous avez probablement évité de consommer à nouveau les aliments qui vous avaient rendu malade. Pourquoi ? Parce que votre cerveau, espérant vous protéger d’une menace certaine, vous envoyait des signaux d’aversion à la simple vue ou à l’odeur des aliments supposément dangereux, vous décourageant ainsi de les manger. Le même principe pourrait s’appliquer aux allergies alimentaires.

Une étude sur la souris, parue en 2018, avait déjà mis l’équipe d’Esther B. Florsheim sur la piste du comportement d’aversion à un allergène lorsque l’animal y était sensibilisé [2]. Plus précisément, ces études avaient montré qu’au contact d’un allergène, certaines zones du cerveau impliquées dans l’apparition de réactions d’évitement s’activaient.

Dans leur étude, les chercheurs américains sont arrivés à la même conclusion : la sensibilisation des souris à l’ovalbumine enclenchait l’activation du système nerveux qui provoquait chez l’animal une aversion à l’ovalbumine. Il s’agissait en fait d’un mécanisme de défense visant à limiter la consommation de l’allergène dans le but de protéger les souris d’un aliment potentiellement dangereux. Il est à noter que dans l’étude, les souris étaient sensibilisées à l’allergène, mais elles ne développaient pas de réaction allergique au contact de celui-ci.

Il semble que plusieurs facteurs contribueraient à modifier les comportements d’évitement des allergènes chez la souris. Par exemple, lors de leurs expérimentations, les chercheurs ont remarqué que la présence de certains gènes favorisait l’apparition d’une aversion. Celles-ci disparaissaient cependant lorsque les scientifiques bloquaient l’action des IgE, ces molécules du système immunitaire qui reconnaissent les allergènes et déclenchent les réactions allergiques.

Bref, la détection des allergènes chez la souris allergique permettrait au cerveau de mettre en branle un processus d’identification des aliments menaçant la santé, ce qui entraînerait l’apparition de comportements d’aversion visant à protéger l’animal.

Même s’ils ne s’appliquent pas encore à l’humain, ces résultats amènent des éléments de réponse à un phénomène que plusieurs personnes, allergiques ou non, ont déjà vécu !

[1]    Florsheim, E. B., Bachtel, N. D., Cullen, J. L., Lima, B. G. C., Godazgar, M., Carvalho, F., Chatain, C. P., Zimmer, M. R., Zhang, C., Gautier, G., Launay, P., Wang, A., Dietrich, M. O. et Medzhitov, R. (2023). Immune sensing of food allergens promotes avoidance behaviour. Nature, 620(7974), 643–650. https://doi.org/10.1038/s41586-023-06362-4

[2]    Campos, C. A., Bowen, A. J., Roman, C. W. et Palmiter, R. D. (2018). Encoding of danger by parabrachial CGRP neurons. Nature, 555(7698), 617–622. https://doi.org/10.1038/nature25511