Immunothérapie et allergies alimentaires : testez vos connaissances

Désensibilisation et allergies alimentaires

Elle est d’actualité, elle soulève beaucoup de questions et fait l’objet de nombreuses recherches. L’immunothérapie comme traitement des allergies alimentaires a-t-elle des secrets pour vous ? 

VRAI. Comme son nom l’indique, l’immunothérapie est un traitement (thérapie) ciblant le système immunitaire (immuno). Elle consiste à provoquer ou à augmenter l’immunité d’un individu en l’exposant à des substances auxquelles il est allergique. On connaît aussi le processus sous le terme désensibilisation.

L’immunothérapie est utilisée dans le traitement de plusieurs pathologies, par exemple le rhume des foins ou le cancer. Dans ce dernier cas, le traitement renforce le système immunitaire et l’aide à trouver plus facilement les cellules cancéreuses dans l’organisme afin de mieux les combattre. L’immunothérapie est également employée en présence d’autres maladies affectant le système immunitaire, par exemple la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde.

Dans le cas qui nous intéresse, soit celui des allergies alimentaires, l’immunothérapie permet d’augmenter le niveau de tolérance d’une personne à un ou à plusieurs allergènes. Elle vise différents objectifs, le plus important étant de protéger l’individu allergique en cas de contact accidentel avec son ou ses allergènes. Dans certains cas, l’immunothérapie pourrait aussi permettre de réintégrer les aliments contenant des allergènes dans l’alimentation de l’individu allergique.

VRAI. Voici celles que l’on connaît dans le traitement de l’allergie alimentaire :

  • L’immunothérapie par voie orale consiste à exposer quotidiennement une personne allergique à de petites quantités d’allergènes par la bouche, quantités qui seront progressivement augmentées sur une période de plusieurs semaines afin d’atteindre une tolérance. Cette dernière sera déterminée par la consommation quotidienne d’une quantité déterminée d’allergènes que l’on appelle la dose d’entretien*.
  • L’immunothérapie sublinguale vise à déposer sous la langue une goutte d’un liquide contenant une petite quantité d’allergènes, laquelle sera augmentée progressivement pour induire un état de tolérance.
  • L’immunothérapie par voie cutanée utilise la peau comme vecteur pour induire une tolérance à un aliment. L’approche consiste à appliquer chaque jour sur la peau un timbre contenant l’allergène. Une fois libéré du timbre, l’allergène traverse la peau et se rend jusqu’au système immunitaire pour induire éventuellement une tolérance.

Il faut savoir que l’immunothérapie fait toujours l’objet d’études cliniques et n’est pas encore accessible à grande échelle. L’immunothérapie par voie orale est cependant offerte à la Clinique d’immunothérapie orale (CITO) du CHU Sainte-Justine et à la Division d’allergie et d’immunologie clinique de l’Hôpital de Montréal pour enfants.

* La dose d’entretien correspond à une quantité d’allergènes (p. ex. 3 arachides, ½ tasse de lait, 1 œuf, etc.) qui devra être consommée chaque jour par la personne ayant complété un processus d’immunothérapie orale afin de maintenir le niveau de tolérance à cet allergène. L’arrêt de la prise de cette dose d’entretien pourrait éventuellement diminuer le niveau de tolérance de la personne à l’allergène [1].

FAUX. Même si l’on parle d’un taux de réussite assez élevé, l’immunothérapie ne fonctionne pas chez tous les patients.

Pour ce qui est des allergies alimentaires, on définit l’efficacité de l’immunothérapie comme l’atteinte d’une tolérance à un ou à plusieurs allergènes à la fin du traitement. L’efficacité peut varier selon le type d’immunothérapie utilisé (oral, sublingual ou cutané) et en fonction de l’allergène ou des allergènes ciblés.

Avant d’aller plus loin sur l’efficacité de l’immunothérapie, il faut savoir que la durée, la structure et les paramètres évalués dans les études sur les sujets sont très variables. La plupart d’entre elles portent sur l’immunothérapie dans le contexte d’une allergie à l’arachide ou au lait. Aussi, la durée des études varie, tout comme la vitesse d’augmentation des doses d’allergènes dans le temps et la période de suivi après l’atteinte d’une dose d’entretien. Il est donc difficile de généraliser les données d’études à l’ensemble des cas de figure de l’allergie alimentaire. 

Selon l’American Academy of Allergy Asthma & Immunology, l’immunothérapie par voie orale atteindrait un taux d’efficacité de 30 % à 70 % et plus. Lorsque l’immunothérapie est administrée en clinique, sous supervision et de manière individualisée (et non dans le cadre d’une étude clinique au cours de laquelle le protocole établi doit être suivi par les participants), Dr Philippe Bégin, allergologue à la Clinique d’immunothérapie orale (CITO) du CHU Sainte-Justine, estime que l’efficacité du traitement pourrait atteindre 90 %.

Pour ce qui est de l’immunothérapie sublinguale, on parle d’un taux d’efficacité avoisinant les 80 % à 85 % pour les allergies aux pollens et de 98 % pour l’allergie au venin d’insecte [2]. Des études sont en cours actuellement pour déterminer l’efficacité et la sécurité de l’immunothérapie sublinguale dans le traitement des allergies alimentaires.

L’immunothérapie par voie cutanée a été davantage étudiée et montre un taux d’efficacité de 40 % à 80 % [3].

VRAI, mais elle présente tout de même certains risques. En effet, puisqu’elle implique un contact direct avec un allergène, l’immunothérapie peut être à l’origine de certaines manifestations allergiques, peu importe sa voie d’administration.

Selon toute vraisemblance, les réactions découlant de l’immunothérapie par voie cutanée seraient surtout localisées au site d’application du timbre et seraient somme toute légères (p. ex. démangeaisons, rougeur, enflure) [3]. Pour ce qui est de l’immunothérapie sublinguale, les données proviennent surtout du traitement des allergies au pollen. Dans ce cas, les réactions observées sont d’intensité légère à modérée et incluent notamment des démangeaisons au niveau de la bouche [4].

La sécurité de l’immunothérapie par voie orale a été récemment la source de plusieurs discussions. En effet, alors que l’on croyait l’avenue relativement sécuritaire en contexte clinique, une revue systématique publiée dans The Lancet est venue brouiller les cartes en 2019. Ainsi, les auteurs de cette publication concluent que, dans le cadre d’une désensibilisation à l’arachide, le risque de faire une réaction allergique ou anaphylactique est augmenté comparativement au fait d’éviter tout simplement l’allergène.

Il est vrai que l’immunothérapie n’est pas dépourvue de risques. On estime en effet qu’au cours d’un processus d’immunothérapie par voie orale, entre 2 et 5 % des patients présenteront une réaction allergique qui nécessitera l’administration d’épinéphrine [2]. Or, certaines nuances méritent d’être apportées.

Le protocole de désensibilisation constitue un facteur important. En effet, la durée de la phase d’augmentation des doses de même que la dose d’entretien à atteindre aurait un impact sur le risque d’anaphylaxie ou de réaction allergique grave [5,6]. Une augmentation rapide des doses d’allergènes dans le temps et l’atteinte d’une dose d’entretien élevée augmenterait par exemple le risque de réaction allergique grave ou d’anaphylaxie.

Il faut aussi tenir compte du fait que les réactions qui surviennent dans le cadre d’une immunothérapie par voie orale ne présentent pas le même risque que celles qui découlent d’une exposition accidentelle à un allergène. En effet, dans le premier cas, la personne, sa famille et l’équipe médicale qui l’entoure sont prêts à intervenir à l’apparition du moindre symptôme d’allergie, ce qui n’est pas toujours le cas lors d’un contact accidentel. Comme l’expliquait le docteur Philippe Bégin en entrevue avec Allergies Québec :

« Évidemment, le contexte dans lequel la médication d’urgence est administrée [lors d’un processus d’immunothérapie] n’est pas le même que lors d’une réaction anaphylactique par contact accidentel. En effet, la dose d’allergène est prise à la maison en compagnie des parents, le plan d’action — établi au départ — est suivi, et on a accès à une ligne de soutien au besoin. Bref, il s’agit d’un environnement relativement contrôlé. »

Ainsi, en cas de réaction anaphylactique, l’intervention est rapide, ce qui limite le risque.

Finalement, il faut prendre en compte l’impact de l’immunothérapie sur la qualité de vie de la personne qui vit avec des allergies alimentaires. La peur et l’anxiété découlant d’une éventuelle exposition accidentelle à un allergène ont le potentiel de diminuer grandement la qualité de vie de la personne allergique en réduisant par exemple ses interactions sociales. En augmentant le seuil de tolérance à un allergène, l’immunothérapie par voie orale permet donc de diminuer cette peur et cette anxiété, et ainsi d’augmenter de manière significative la qualité de vie de la personne allergique à la fin du traitement [7].

En terminant, il importe de souligner que la Société canadienne d’allergie et d’immunologie clinique (SCAIC), en collaboration avec l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS), a publié en 2020 les premières lignes directrices sur l’immunothérapie par voie orale. Parce qu’elles recommandent notamment la personnalisation des soins, ces lignes directrices tracent la voie vers « une pratique optimale de l’immunothérapie orale, reposant à la fois sur l’évidence clinique, les principes éthiques et les besoins des patients, tout en prenant en compte la capacité financière et organisationnelle du système de santé publique » [8].

FAUX. En fait, lorsqu’elle est réussie, la désensibilisation à un allergène permet d’induire un état de tolérance qui fait en sorte que la personne ne réagira plus à son allergène. Mais dans bien des cas, cette tolérance serait tributaire de la consommation régulière de l’allergène dans le temps.

C’est du moins le cas pour l’immunothérapie orale, pour laquelle les taux de tolérance après que la personne ait cessé de consommer l’allergène pendant quelques semaines se situent sous la barre du 40 %, et ce, pour de nombreuses études [1].

 

Pour aller plus loin

 

[1] Bégin, P., Chinthrajah, R. S. et Nadeau, K. C. (2014). Oral immunotherapy for the treatment of food allergy. Human Vaccine & Immunotherapeutics, 10(8):2295-2302.

[2] Association des allergologues et immunologues du Québec. (2016). L’immunothérapie. Repéré à http://www.allerg.qc.ca/Information_allergique/2_4_immunotherapie.html
[3] Lanser, B. J., Leung, D. Y. M. (2018). The current state of epicutaneous immunotherapy for food allergy: A comprehensive review. Clinical Reviews in Allergy & Immunology, 55(2):153-161.
[4] Moral, A. et coll. (2016). Adverse reactions and tolerability of high-dose sublingual allergen immunotherapy. Journal of Asthma & Allergy, 9:129-133.
[5] Calvani, M. et coll. (2019). Oral desensitization in IgE-mediated food allergy: Effectiveness and safety. Pediatric Allergy and Immunology, 31(Suppl. 24):49-50.

[6] Grzeskowiak, L. et coll. (2020). Adverse events associated with peanut oral immunotherapy in children – a systematic review and meta-analysis. Scientific Report, 10:659.

[7] Blackman, A. C. et coll. (2020). Quality of life improves significantly after real-world oral immunotherapy for children with peanut allergy. Annals of Allergy Asthma and Immunology, 125(2):196-201.

[8] Bégin, P. et coll. (2020). Lignes directrices canadiennes en immunothérapie orale : nouvelle méthodologie pour des recommandations axées sur le patient et reposant sur les évidences cliniques et les principes éthiques. Revue française d’allergologie, 60(4):219-221