Douleur à l’œsophage et allergies alimentaires : tout savoir sur l’œsophagite à éosinophiles

Résultant d’une inflammation de l’œsophage, l’œsophagite à éosinophiles est causée par une réaction du système immunitaire.

Avez-vous de la difficulté à avaler ? Ressentez-vous parfois une douleur lorsque vous ingurgitez un aliment ou une boisson ? Avez-vous reçu un diagnostic de maladie allergique dans le passé ? Si oui, vous souffrez peut-être d’une œsophagite à éosinophiles.

L’œsophagite à éosinophiles en quelques mots

L’œsophagite à éosinophiles (oesinophilic esophagitis ou EoE) se caractérise par une inflammation (enflure) de l’œsophage, le tube par lequel passe la nourriture avalée pour se rendre à l’estomac. L’inflammation est causée par un type bien précis de cellules du système immunitaire : des globules blancs appelés éosinophiles.

Normalement, on ne retrouve pas d’éosinophiles dans l’œsophage. Leur apparition serait due à une réaction complexe du système immunitaire provoquée par une exposition répétée à certains allergènes (voir encadré). Avec le temps, une inflammation s’installe dans l’œsophage et rend de plus en plus difficile le passage des aliments vers l’estomac [1, 2].

L’EoE est une forme d’allergie non médiée par les IgE [3]. Ainsi, contrairement aux allergies médiées par les IgE, comme l’allergie alimentaire qui peut mener à l’anaphylaxie, l’EoE entraîne plutôt une réaction localisée au niveau de l’œsophage lors d’un contact répété avec les allergènes en cause.

De nombreux allergènes pointés du doigt

Plusieurs allergènes sont reconnus pour entraîner des symptômes de l’EoE. Parmi ceux-ci, notons les aliments, plus particulièrement le lait, le blé, les noix, le soya, les fruits de mer et les œufs, mais aussi le pollen et les animaux.

Notons que les allergènes à l’origine des symptômes d’EoE peuvent être différents d’une personne à l’autre. Parfois, on peut identifier chez un individu les allergènes provoquant l’EoE. Dans certains cas, la cause demeure cependant inconnue.

Les personnes les plus à risque

On considère l’EoE comme une affection relativement récente. Alors que le premier cas décrit date de 1978, la maladie n’a été reconnue en tant qu’entité clinique que dans les années 1990 [4]. Le nombre de cas n’a cessé d’augmenter depuis dans les pays développés.

L’EoE toucherait approximativement 15 000 Canadiens, enfants et adultes confondus, soit environ 4 personnes sur 10 000 [5]. Les hommes seraient cependant trois fois plus susceptibles d’en souffrir que les femmes [4, 6]. Au moment de l’apparition des premiers symptômes, les individus ont souvent entre 20 et 40 ans [6, 7].

À ce jour, les mécanismes d’apparition de l’EoE demeurent mal compris. On croit que la maladie résulterait de l’interaction de facteurs environnementaux, génétiques et immunitaires [1].

Les données montrent une association fréquente entre l’EoE et la présence d’une maladie allergique (eczéma, asthme, rhinite allergique ou allergie alimentaire) [6, 7]. Ainsi, chez les enfants souffrant d’EoE, par exemple, entre 60 % et 80 % ont aussi reçu un diagnostic d’eczéma, d’asthme, de rhinite allergique ou d’allergies alimentaires médiées par les IgE [4]. Ce pourcentage serait plus faible chez les adultes. Certaines études ont également observé des associations avec la maladie cœliaque et des maladies inflammatoires de l’intestin comme la maladie de Crohn [7]. À ce jour, on ignore cependant si ces maladies ou dysfonctionnements associés constituent ou non des facteurs de risque au développement de l’EoE.

Les signes et symptômes

Chez l’adulte, l’EoE se présente le plus souvent par une dysphagie, c’est-à-dire une difficulté à avaler. Une douleur lors de la déglutition peut aussi être présente. Parfois, mais rarement, la pathologie s’accompagne de reflux gastro-œsophagien (brûlements d’estomac).

Les manifestations de l’EoE sont différentes chez l’enfant. On parle notamment de symptômes non spécifiques comme une difficulté à manger, des nausées et des vomissements, des douleurs abdominales, une prise de poids insuffisante et de l’irritabilité.

Le diagnostic de l’œsophagite à éosinophiles

Les patients chez qui une EoE est suspectée seront invités à passer deux tests pour confirmer le diagnostic [4, 5, 6, 7] :

  • L’endoscopie (ou gastroscopie) vise à introduire une caméra dans l’œsophage jusqu’à l’estomac. Ce test permettra de visualiser, le long de l’œsophage, des taches blanches, des rétrécissements ou des anneaux caractéristiques de la maladie.
  • Une biopsie, c’est-à-dire le prélèvement d’un petit morceau de la paroi de l’œsophage, permettra ensuite de constater la présence d’une grande quantité d’éosinophiles.

Les traitements disponibles

Plusieurs patients développent avec le temps des trucs pour compenser les symptômes de l’EoE. Certains vont boire beaucoup d’eau en mangeant ou encore vont manger très lentement afin de mastiquer plus longtemps leur nourriture et la rendre plus liquide et plus facile à avaler. D’autres éviteront les aliments aux textures plus difficiles à mâcher comme le pain sec et la viande.

Il existe cependant des traitements efficaces pour soulager les symptômes de la maladie.

L’adoption d’une diète d’élimination des allergènes à l’origine des symptômes pourrait contribuer à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes. En gros, la personne élimine de son alimentation certains allergènes reconnus pour provoquer l’EoE. Si les symptômes s’améliorent ou disparaissent, elle réintroduit progressivement un aliment à la fois afin d’identifier celui ou ceux qui sont allergènes et qui provoquent l’EoE*.

*En présence d’une EoE, on évitera la réintroduction d’un aliment auquel la personne est sévèrement allergique, cet aliment devant être évité en tout temps.

Dans une étude parue en 2018, l’élimination de six allergènes de l’alimentation, à savoir le lait, le blé, les œufs, le soya, les noix de même que les poissons et les fruits de mer, permettait de mieux contrôler les manifestations de l’EoE chez plus de la moitié des patients (54,5 % à 100 % selon le groupe) [8]. Rappelons cependant qu’il est parfois difficile d’identifier les allergènes à l’origine de l’inflammation de l’œsophage et donc d’éliminer de la diète les aliments en cause.

Certains médicaments peuvent aider à maîtriser les symptômes de l’EoE :

  • Les inhibiteurs de la pompe à protons, ou IPP, sont des médicaments généralement utilisés pour soulager le reflux gastro-œsophagien. Ils seraient aussi efficaces chez 30 % à 60 % des personnes souffrant d’EoE pour réduire les symptômes de la maladie [4].
  • Les inhalateurs de corticostéroïdes sont parfois prescrits en cas d’inefficacité des IPP [4, 6]. On demande alors aux patients « d’avaler » le médicament plutôt que de l’inhaler. De cette manière, les corticostéroïdes, qui ont une activité anti-inflammatoire, agiront localement sur les parois de l’œsophage pour contrer les effets des éosinophiles. Une solution orale de corticostéroïdes peut également être prescrite.

Non traitée, l’EoE peut entraîner avec le temps un rétrécissement de l’œsophage qui peut bloquer complètement le passage de la nourriture vers l’estomac. Ce genre de complications nécessite une intervention médicale d’urgence.

Si vous présentez des symptômes de l’œsophagite à éosinophile et croyez en être atteint, parlez-en à votre médecin. Lui seul sera en mesure de prescrire les examens nécessaires au diagnostic de la maladie et les traitements appropriés, le cas échéant.

[1]    Roussel, J. M. et Pandit, S. (2023, 8 août). Eosinophilic Esophagitis. StatPearls Publishing. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK459297/

[2]    Rothenberg, M. E. (2023, 10 janvier). Eosinophilic esophagitis (EoE) : Genetics and immunopathogenesis. UpToDate. https://www.uptodate.com/contents/eosinophilic-esophagitis-eoe-genetics-and-immunopathogenesis?search=oesinophilic%20esophagitis&source=search_result&selectedTitle=4~150&usage_type=default&display_rank=4

[3]    Commins, S. O. (2020, 20 juin). Food intolerance and food allergy in adults: An overview. UpToDate. https://www.uptodate.com/contents/food-intolerance-and-food-allergy-in-adults-an-overview?search=oesinophilic%20esophagitis&source=search_result&selectedTitle=9~150&usage_type=default&display_rank=9

[4]    Deepu, D. (2022). Eosinophilic Esophagitis: An emerging disease. Current Medical Issues, 20(1), 37-43. DOI: 10.4103/cmi.cmi_80_21

[5]    Fondation Canadienne de la santé digestive. (2022, 18 novembre). Comprendre l’œsophagite à éosinophiles [vidéo]. YouTube. https://cdhf.ca/fr/understanding-eosinophilic-esophagitis-eoe/

[6]    Centre hospitalier de l’Université de Montréal. (2020, avril). L’œsophagite à éosinophiles [PDF]. https://www.chumontreal.qc.ca/fiches-sante/oesophagite-eosinophiles

[7]    Bonis, P. A. L. et Gupta, S. K. (2023, 15 septembre). Clinical manifestations and diagnosis of eosinophilic esophagitis (EoE). UpToDate. https://www.uptodate.com/contents/clinical-manifestations-and-diagnosis-of-eosinophilic-esophagitis-eoe?search=eosinophilic%20oiesophagitis&source=search_result&selectedTitle=1~150&usage_type=default&display_rank=1

[8]    Wang, R., Hirano, I., Doerfler, B., Zalewski, A., Gonsalves, N. et Taft, T. (2018). Assessing adherence and barriers to long-term elimination diet therapy in adults with eosinophilic esophagitis. Digestive Diseases and Sciences, 63(7), 1756–1762. https://doi.org/10.1007/s10620-018-5045-0