Les droits de la personne allergique sous la loupe
Les personnes vivant avec une allergie alimentaire sont des gens normaux. Ils travaillent, fréquentent les lieux publics, s’impliquent dans la société.
Mais ont-ils les mêmes droits que les autres?
On estime que 7 % des Canadiens vivent avec une allergie alimentaire, soit près d’une personne sur dix[1]. Bien que normale, leur vie est cependant compliquée par le risque omniprésent d’exposition à un allergène qui pourrait leur être fatal. Leurs droits sont-ils les mêmes que ceux des personnes non allergiques?
Une question de discrimination
Le cas médiatisé de Simon-Pierre Canuel, sévèrement allergique aux fruits de mer et au saumon à qui l’on aurait servi par erreur un tartare de saumon dans un restaurant de Sherbrooke, a attisé le débat sur les droits des personnes allergiques lorsqu’ils fréquentent des lieux publics.
À cet effet, l’article 15 de la Charte des droits et libertés de la personne stipule que « nul ne peut, par discrimination, empêcher autrui d’avoir accès aux moyens de transport ou aux lieux publics, tels les établissements commerciaux, hôtels, restaurants, théâtres, cinémas, parcs, terrains de camping et de caravaning, et d’y obtenir les biens et les services qui y sont disponibles ».
Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, la discrimination fait référence au traitement différent d’une personne en raison de ses caractéristiques propres, par exemple sa race, son sexe ou la présence d’un handicap.
Ainsi, si elle amène de la discrimination, l’allergie alimentaire peut être considérée comme un handicap. Le fait de se voir refuser l’accès à un service en raison d’une allergie alimentaire pourrait donc constituer une forme de discrimination. Il faut cependant se référer au contexte, ce qui implique une analyse au cas par cas.
L’allergie alimentaire et l’accès aux lieux publics
Comme mentionné précédemment, le fait de refuser l’accès à un lieu public à une personne en raison de ces allergies alimentaires est discriminatoire et va à l’encontre de l’article 15 de la Charte des droits et libertés de la personne.
À partir de là, il revient à la personne allergique d’évaluer le risque et de déterminer s’il est sécuritaire pour elle de visiter le lieu en question et, s’il s’agit d’un restaurant, d’y manger.
Il faut cependant savoir qu’il existe une jurisprudence en matière d’allergies alimentaires[2]. Elle se limite à des réactions allergiques ayant eu lieu dans des restaurants ou d’autres endroits où l’on a servi de la nourriture (ex. : hôtels, traiteurs, etc.). Dans toutes les causes, on avait assuré par erreur au plaignant que la nourriture ne contenait pas d’allergènes.
Il est établi que les garderies et les services de garde qui ont sous leur surveillance des enfants allergiques se doivent d’avoir en place une procédure au cas où une réaction anaphylactique surviendrait. Mais ont-ils le droit de refuser une place à un enfant vivant avec des allergies alimentaires?
La réponse à cette question n’est pas catégorique. En fait, une garderie pourrait légalement refuser une place à un enfant allergique si elle n’est pas en mesure de lui assurer un environnement sécuritaire dans lequel évoluer. Dans le cas contraire, un refus pour cause d’allergie constitue un motif de discrimination.
Sur une note plus positive, notez que les parents dont l’enfant vit avec des allergies alimentaires peuvent être admissibles, sous certaines conditions, à un supplément pour enfant handicapé. Une allocation pour l’intégration des enfants handicapés en service de garde peut également être accordée aux garderies lorsque l’enfant répond à certaines conditions. L’objectif est ici d’aider les familles, de favoriser une meilleure intégration de l’enfant et d’assurer sa sécurité.
Pour ce qui est des droits des travailleurs allergiques, rien n’oblige un employeur à mettre en place des mesures visant à réduire le risque de contamination par des allergènes sur les lieux de travail[3]. En revanche, toutes les entreprises au Québec sont assujetties au Règlement sur les normes minimales de premier secours et de premiers soins, qui stipule que les employeurs doivent « assurer la présence en tout temps durant les heures de travail d’au moins un secouriste par quart de travail ». Le nombre de secouristes sur place variera en fonction du nombre d’employés présents.
Comme vous pouvez le constater, les balises ne sont pas toujours claires lorsqu’il est question des droits des personnes allergiques dans la société. Il semble en effet que la loi, qui fonctionne au cas par cas, n’ait pas évolué au même rythme que les connaissances sur les allergies alimentaires.
Certes, il revient surtout à la personne allergique d’assurer sa propre sécurité, que ce soit à la maison ou dans les lieux publics. Par contre, l’allergie ne devrait en aucun cas constituer un motif de discrimination. Si vous sentez que vos droits sont lésés parce que vous vivez avec des allergies alimentaires, n’hésitez pas à vous référer à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec.
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[1] Soller, L. et coll. (2012). Overall Prevalence of Self-reported Food Allergy in Canada. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 130(4):986-8. DOI : 10.1016/j.jaci.2012.06.029
[2] Selon le Réseau juridique du Québec, la jurisprudence « représente l’ensemble des décisions rendues par les tribunaux ». Dans le cas de conflits similaires, la jurisprudence ayant mené à un jugement est donc susceptible d’être suivie par le juge.
[3] La Loi sur les normes du travail prévoit cependant qu’un salarié comptant trois mois de service continu chez le même employeur peut s’absenter du travail pour une période d’au plus 26 semaines sur une période de 12 mois, sans salaire, en raison d’une maladie, dont fait partie la réaction allergique.