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Le passage des allergènes dans le lait maternel

Par Katia Vermette, rédactrice

Tout le monde s’entend pour dire que l’allaitement est la meilleure alimentation dont peut bénéficier le nourrisson de moins de 6 mois. La mère doit cependant être vigilante sur certains points. Elle doit par exemple limiter sa consommation d’alcool et éviter la prise de certains médicaments. En effet, plusieurs molécules peuvent être excrétées dans le lait maternel et affecter le bébé. Mais qu’en est-il des allergènes alimentaires?

Consultez notre section dédiée aux nouveau-nés.

Les allergènes alimentaires peuvent être excrétés dans le lait maternel
Au cours des dernières années, plusieurs études ont démontré que les allergènes alimentaires pouvaient être excrétés dans le lait maternel. C’est le cas notamment de certaines protéines allergènes de l’arachide, du bœuf, du lait, de l’œuf, du blé, du melon d’eau, de la pêche et de la moutarde [1,2]. Et cette liste n’est probablement pas exhaustive. Ainsi, il est donc logique de croire que le nourrisson est probablement exposé à un certain nombre d’allergènes alimentaires lorsqu’il est allaité.

Il est cependant intéressant de noter que, dans des conditions similaires (diète de la mère, moment de collecte du lait, etc.), certaines femmes excréteront un allergène alimentaire donné dans leur lait maternel alors qu’il sera impossible de le détecter chez d’autres. Par exemple, deux études portant sur des femmes allaitant leur nourrisson a permis de détecter la ß-lactoglobuline dans le lait de 62,5 % et 75 % des sujets, respectivement [3,4]. Une autre étude visant à détecter les protéines Ara h 1 et Ara h 2 de l’arachide dans le lait maternel a pu mettre en évidence leur présence dans 47 % des échantillons de lait analysés [5]. De plus, on remarque que la concentration d’allergènes dans le lait maternel fluctue énormément d’un échantillon à l’autre, pouvant passer de 0,1 à plus de 1 000 ng/ml [1].

Les allergènes alimentaires dans le lait maternel ont-ils des répercussions sur le nourrisson?

Parce qu’on peut retrouver des allergènes alimentaires dans le lait maternel, il est possible que le bébé y soit exposé. Mais quel est l’impact de cette exposition sur le nourrisson? On reconnait aujourd’hui que l’allaitement joue un rôle important dans la maturation du système immunitaire. Mais une opposition subsiste quant au rôle joué par le lait maternel dans le développement de l’allergie alimentaire. Certaines études tendent à montrer son effet protecteur, particulièrement chez les enfants montrant une atopie, alors que d’autres laissent sous-entendre que la présence d’allergènes alimentaires dans le lait maternel pourrait contribuer à la sensibilisation dite occulte du bébé à certains aliments [1].

1. L’allaitement pourrait contribuer à la sensibilisation occulte

Il existe plusieurs cas répertoriés d’enfants réagissant à la consommation d’un aliment alors qu’ils n’y ont jamais été exposés auparavant [2]. Ainsi, ce seraient plus de 70 % des enfants allergiques aux arachides qui y réagiraient à leur première exposition [6]. Cela suggère une sensibilisation préalable à l’arachide, possiblement via une exposition du bébé lors de l’allaitement [6].

Mais de nombreuses explications demeurent mystérieuses… On se doute que la concentration d’allergènes présents dans le lait maternel, si l’on considère qu’elle est suffisante pour entraîner la sensibilisation à un aliment, est trop faible pour provoquer une réaction allergique par l’allaitement seul [7]. Par contre, Bernard et coll. ont montré que les protéines allergènes de l’arachide retrouvées dans le lait maternel conservaient in vitro leur capacité à se lier aux IgE et à induire une réaction allergique [1]. Pourquoi alors n’observe-t-on parfois aucune réaction allergique lors de l’allaitement, alors qu’il existe une possibilité que l’enfant soit déjà sensibilisé à un aliment?

2. L’allaitement pourrait induire un état de tolérance face à un allergène

La réponse réside tout probablement dans la complexité des interactions entre les molécules retrouvées dans le lait maternel. Certaines de ces molécules pourraient contribuer à diminuer le risque du nourrisson de développer une allergie alimentaire. C’est le cas par exemple de certaines cytokines dites « tolérogéniques », comme l’interleukine-10 (IL-10), qui agissent en supprimant la réponse inflammatoire. Parce que les cytokines tolérogéniques sont prédominantes dans le lait maternel, elles pourraient contribuer à induire un état de tolérance face à certains allergènes [8]. Il en est de même pour les acides gras polyinsaturés et les oligosaccharides [8].

Vous pouvez donc constater la complexité des interactions possibles entre le lait maternel et le système immunitaire du bébé. Ainsi, même si les allergènes alimentaires se retrouvent dans le lait maternel et que le nourrisson y est exposé et sensibilisé, certaines composantes également présentes dans le lait pourraient assurer une protection contre le développement de l’allergie alimentaire. Mais ce ne sont ici que des suppositions. Une chose est certaine : l’allergie alimentaire est multifactorielle!

 

[1] Bernard H. et coll. Peanut allergens are rapidly transferred in human breast milk and can prevent sensitization in mice. Allergy, 2014, 69:888-897.
[2] Pastor-Vargas C. et coll. Sensitive detection of major food allergens in breast milk: first gateway for allergenic contact during breastfeeding. Allergy, 2015, DOI 10.1111/all.12646.
[3] Fukushima Y. et coll. Consumption of cow milk and egg by lactating women and the presence of beta-lactoglobulin and ovalbumin in breast milk. Am J Clin Nutr, 1997, 65:30-35.
[4] Sorva R. et coll. Beta-lactoglobulin secretion in human milk varies widely after cow’s milk ingestion in mothers of infants with cow’s milk allergy. J Allergy Clin Immunol, 1994, 93:787-792.
[5] Vadas P. et coll. Detection of peanut allergens in breast milk of lactating women. JAMA, avril 2001, 285(13)1746-1748.
[6] Al-Muhsen S. et coll. Peanut allergy: an overview. CMAJ, mai 2003, 168(10):1279-1285.
[7] Van Asperren P. P. et coll. Immediate food hypersensitivity reactions on the first known exposure to the food. Archives of Disease in Childhood, 1983, 58:253-256.
[8] Iyengar S. R. et Walker W. A. Immune factors in breast milk and the development of atopic disease. JPGN, décembre