Allergies alimentaires : quels sont les allergènes émergents?
On dénombre neuf allergènes prioritaires au Canada, mais des allergènes émergents pourraient éventuellement changer la donne.
Au Canada, les allergies alimentaires les plus fréquentes sont celles qui mettent en cause les neuf allergènes prioritaires, soit les arachides, le blé, le lait de vache, la moutarde, les noix, les œufs, les poissons, les crustacés et les mollusques, le sésame et le soya. Pourtant, au cours des dernières années, on note une hausse du nombre de cas d’allergies alimentaires liés à certains aliments qui ne figurent pas sur la liste des allergènes à déclaration obligatoire. Quels sont ces allergènes émergents ?
Le sarrasin
Il s’agit d’une plante dont le grain, en plus d’être très nutritif, est riche en fibres solubles et en antioxydants. Le sarrasin fait partie intégrante de l’alimentation des Asiatiques et, depuis quelques années, gagne en popularité dans les pays occidentaux, particulièrement en Europe. En effet, la céréale se retrouve dans plusieurs recettes de pain, de pâtes et de pâtisseries.
Récemment, plusieurs cas d’allergies alimentaires sévères au sarrasin ont été publiés dans la littérature [1,2]. En Europe, on a recensé 59 cas d’anaphylaxie sévère liés à la consommation de sarrasin entre 2002 et 2017. Ce faisant, la céréale est devenue l’allergène émergent le plus courant dans les pays européens, dépassant en fréquence le nombre de cas d’anaphylaxie répertoriés au cours de la même période pour le soya et les mollusques [3].
Il est intéressant de noter que des études ont établi une réaction croisée entre les protéines du sarrasin et celles du latex, du riz, des graines de pavot et du quinoa [2]. Certaines personnes allergiques à ces derniers aliments pourraient ainsi éventuellement développer une allergie croisée au sarrasin.
Le lupin
Cette légumineuse est considérée par certains comme le « nouveau » soya. Riches en protéines, les graines de lupin se vendent sèches, en conserve ou sous forme de farine, et s’intègrent peu à peu à l’alimentation des Occidentaux. Aux États-Unis et l’Europe considèrent d’ailleurs le lupin comme un allergène émergent [4]. En effet, on avance que la plus grande consommation de lupin par la population serait à l’origine de l’augmentation du nombre de cas d’allergies à l’aliment.
Les protéines allergènes du lupin partagent plusieurs similarités de structure avec celles de l’arachide. D’ailleurs, de nombreux cas d’allergies croisées entre le lupin et l’arachide et d’autres légumineuses comme le soya et les pois chiches ont été rapportés au cours des dernières années en Europe, mais aussi en Amérique du Nord [5].
La viande rouge
Bien documentée aux États-Unis, dans certains pays d’Europe et en Australie, l’allergie à la viande rouge est de plus en plus fréquente dans le monde [6]. Cette allergie se développe à la suite de la morsure d’une tique, qui entraîne la production d’IgE spécifiques à la protéine α-gal. Cette dernière est retrouvée dans les tissus de nombreux animaux, par exemple le bœuf et le porc.
Cette forme d’allergie à la viande rouge apparaît le plus souvent chez les adultes, quoique les enfants puissent aussi être affectés. Il est à noter que l’atopie n’est pas toujours présente avant la manifestation de l’allergie alimentaire [6]. La réaction allergique, souvent sévère et pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie, survient généralement plus de deux heures après la consommation de la viande.
Les fruits
La consommation de fruits (ex. : pomme, pêche, poire) par les personnes souffrant d’allergies saisonnières est fréquemment associée à des réactions allergiques non sévères et localisées au niveau de la bouche, ce que l’on appelle le syndrome de l’allergie orale. Depuis quelques années, on note cependant un nombre grandissant de cas d’allergies alimentaires sévères à certains fruits, particulièrement le kiwi, la pêche, la banane et la mangue [3,7].
L’augmentation de la prévalence de l’allergie au kiwi, par exemple, est probablement liée au fait que le fruit, plus accessible, est davantage consommé dans la population [8]. Fait intéressant : les enfants seraient plus susceptibles que les adultes de réagir au kiwi lors de la première exposition au fruit [8].
L’identification des allergènes émergents au Canada
Les allergènes émergents cités plus haut sont basés sur des données publiées aux États-Unis, en Europe et en Asie. Au Canada, il faudra un peu plus de temps pour identifier les allergènes à surveiller au cours des prochaines années. Toutefois, l’espoir est permis !
En effet, des chercheurs britanniques font actuellement équipe avec Santé Canada dans le cadre d’un projet pilote (en anglais) visant à identifier les allergènes émergents affectant les enfants au pays. Si le projet est concluant, l’outil développé par ces chercheurs permettra certainement de cibler avec davantage de précision les allergènes problématiques au Canada et de réviser, au besoin, la liste des allergènes prioritaires à déclaration obligatoire.
[1] Sammut, D. et coll. (2011). Buckwheat allergy: a potential problem in the 21st century Britain. BMJ Case Reports, 2011 Nov 9. DOI 10.1136/bcr.09.2011.4882
[2] Park, K., Jeong, K. et Lee, S. (2016). Clinical and laboratory findings of childhood buckwheat allergy in a single tertiary hospital. Korean Journal of Pediatrics, 59(10):402-407. DOI 10.3345/kjp.2016.59.10.402
[3] Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail. (3 décembre 2018). AVIS de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à l’actualisation des données du rapport « allergies alimentaires : état des lieux et propositions d’orientations » [PDF]. Repéré à https://www.allergyvigilance.org/images/pdf/PDF_autres/2019%20Rapport%20ANSES%20AA.pdf
[4] Bingemann, T. A. et coll. (2019). Annual Allergy Asthma & Immunology, 122(2019):8-10. DOI 10.1016/j.anai.2018.09.467
[5] Jappe, U. et Vieths, S. (2010). Lupine, a source of news as well as hidden food allergens. Molecular Nutrition & Food Research, 54:113-126. DOI 10.1002/mnfr.200900365
[6] Wilson, J. M. et Platts-Mills, T. A. E. (2019). Red meat allergy in children and adults. Current Opinion in Allergy and Clinical Immunology, 19(3):229-235. DOI 10.1097/ACI.0000000000000523
[7] Hassan, A. K. G. et Venkatesh, Y. P. (2015). An overview of fruit allergy and the causative allergens. European Annals of Allergy & Clinical Immunology, 47(6):180-187.
[8] Lucas, J. S. et coll. (2004). Kiwi fruit is a significant allergen and is associated with differing patterns of reactivity in children and adults. Clinical and Experimental Allergy, 34:1115-1121. DOI 10.1111/j.1365-2222.2004.01982.x