La clinique d’immunothérapie orale du CHU Sainte-Justine Partie 1 — De l’espoir à l’échelle du Québec

Par Katia Vermette

En août dernier, la toute première clinique d’immunothérapie orale (CITO) a ouvert ses portes à l’Hôpital Sainte-Justine. Depuis, Dr Philipe Bégin et son équipe redonnent espoir aux jeunes vivant avec des allergies alimentaires.

Allergies Québec a récemment rencontré l’allergologue Philipe Bégin et l’étudiante à la maîtrise en nutrition Hélène Leroux afin d’en savoir plus sur la clinique d’immunothérapie orale du CHU Sainte-Justine. Dans cette première partie d’entrevue, ils nous parlent du déploiement de la désensibilisation orale au Québec.

Allergies Québec — Comment l’ouverture de la clinique s’est-elle déroulée?
Dr Bégin — Le ministre Gaétan Barette a fait l’annonce de l’ouverture de la clinique le 28 août dernier, après la rénovation des locaux de la clinique.
L’implantation de la clinique a été graduelle. Nous avons, depuis l’ouverture, reçu plusieurs centaines de demandes d’inscription pour le processus d’immunothérapie. Ces demandes ont été analysées, et plus de 110 patients ont été invités à la clinique et se trouvent à diverses étapes du processus. Quand on rencontre le patient pour la première fois, il faut procéder à son évaluation, effectuer dans certains cas des tests de provocation[1] ou déposer des demandes pour l’utilisation de médicaments, ce qui implique un délai avant le début du traitement lui-même. Cela dit, nous nous approchons graduellement de notre vitesse de croisière projetée pour la première année.

Allergies Québec — Comment se compose l’équipe de la clinique d’immunothérapie orale?
Hélène Leroux — La clinique compte cinq allergologues. Il y a également une infirmière, qui est en contact direct avec les patients lors de la prise des doses d’allergènes à la clinique, et une technicienne en nutrition, qui pèse les poudres d’allergènes et prépare les doses pour les patients. Finalement, une nutritionniste fait aussi partie de l’équipe. Son rôle se situe surtout vers la fin de la première étape du processus d’immunothérapie. En effet, les patients prennent d’abord leurs doses sous forme de farine, car les quantités d’allergènes sont très petites au départ. Toutes les deux semaines, les patients se présentent à la clinique et on augmente leurs doses. Éventuellement, les quantités d’allergènes sont assez grandes pour être remplacées par une quantité déterminée de l’aliment. Le rôle de la nutritionniste sera alors de rencontrer ces patients afin de les informer sur la quantité d’aliments à prendre, la gestion de l’allergène à la maison et les options de remplacement de l’aliment. C’est ce que l’on appelle le transfert aux équivalences alimentaires.
Dr Bégin — Parce que la clinique se veut un projet pilote, la composition de l’équipe sera éventuellement ajustée en fonction de la demande et du débit.

Allergies Québec — Comment le projet se déploie-t-il localement, mais aussi à l’échelle de la province?
Dr Bégin — À la CITO, la première phase consiste à documenter toutes nos actions dans le but d’établir des standards de pratique, lesquels sont testés pour savoir à quel point ils sont reproductibles d’un allergologue, d’une infirmière et d’un technicien à l’autre. Notre objectif est de simplifier et d’encadrer le plus possible les processus pour qu’ils soient exportables ailleurs, dans d’autres centres hospitaliers, dans d’autres cliniques.
La clinique du CHU Sainte-Justine est un projet pilote de trois ans. Dans notre vision du plan, il est prévu de transférer les connaissances acquises à la CITO vers d’autres points centraux dans la province. Il y a quatre centres hospitaliers universitaires, donc il serait logique qu’une clinique d’immunothérapie orale soit implantée dans chacun d’eux, avec peut-être de plus petites cliniques gravitant autour de ces points centraux. Il y aurait donc une deuxième phase d’expansion et une troisième phase d’implantation, pour rendre l’immunothérapie orale accessible partout sous supervision médicale.
À l’heure actuelle, nous collaborons avec nos collègues œuvrant dans d’autres centres hospitaliers, afin d’assurer le suivi conjoint de certains patients pour qu’ils puissent procéder à l’augmentation des doses d’allergènes à ces endroits. Cela permet notamment à ces allergologues de développer leur expertise locale.
Il faut savoir que, pour tout clinicien, le développement d’une expertise suit une courbe d’apprentissage. Les allergologues ont déjà une grande expertise en provocation alimentaire et en immunothérapie pour les aéroallergènes[2]. Reste que des subtilités diffèrent dans le traitement et ne peuvent être apprises dans les livres. L’allergologue ne peut donc pas commencer du jour au lendemain à traiter des centaines de patients allergiques. Il faut aussi savoir que les allergologues sont déjà très occupés[3]. Il faudra donc du temps pour réorganiser l’ensemble de la pratique et dégager du temps et des ressources pour ce nouveau service.
L’objectif est de rendre l’immunothérapie orale disponible partout au Québec. Il y a une volonté de tous les acteurs de l’implanter, mais ce n’est pas quelque chose que l’on peut faire trop rapidement, en brûlant les étapes. Il faut prendre le temps de bien établir et valider les processus. Il faut démontrer combien ça coûte et ce que l’ensemble de la population peut gagner de son implantation. Et ça fait partie de ce que l’on fait actuellement.

Ne manquez pas en mai la suite de l’entrevue, qui portera sur les enjeux des familles dont l’enfant poursuit un traitement d’immunothérapie orale.

Pour plus d’informations sur la désensibilisation orale aux allergènes alimentaires :

[1] Le test de provocation orale consiste à consommer, sous supervision médicale, l’aliment pour lequel une allergie est présumée.
[2] Les aéroallergènes sont des substances retrouvées dans l’air qui déclenchent chez les personnes susceptibles des symptômes allergiques, comme le rhume des foins. Le pollen et la poussière sont des aéroallergènes.
[3] On dénombre à l’heure actuelle 67 allergologues au Québec.