Les probiotiques à la rescousse des personnes allergiques?
Les probiotiques ont la cote de nos jours. Ces micro-organismes vivants ont prouvé depuis longtemps leur utilité dans l’organisme. Entre la réduction des symptômes liés à une intolérance au lactose et la prévention de la diarrhée associée à la prise d’antibiotiques, la liste des bienfaits des probiotiques ne cesse de s’allonger. Et la prévention des allergies alimentaires pourrait bientôt faire partie du palmarès.
Éviter le développement des allergies alimentaires : est-ce envisageable?
À ce jour, rien ne prouve qu’il soit possible de prévenir l’apparition des allergies alimentaires chez un individu. Depuis le mois d’août dernier cependant, il est permis d’espérer… En effet, une équipe de chercheurs de l’Université de Chicago menée par Cathryn Nagler a montré que l’administration, chez la souris, de bactéries probiotiques du genre Clostridiumpouvait bloquer le processus de sensibilisation à l’arachide (I).
La clé du mystère résiderait-elle chez les Clostridium?
Les bactéries Clostridium : dangereuses direz-vous? Eh oui! Ces micro-organismes sont à l’origine de maladies potentiellement mortelles comme le botulisme, le tétanos et le C. difficile. Mais saviez-vous qu’il existe près de 200 espèces de Clostridium, dont plusieurs se retrouvent dans la flore intestinale normale de l’homme (II)? Ces espèces sont donc bénéfiques pour notre organisme. Mais ce n’est pas tout…
Lors de leurs travaux, Cathryn Nagler et son équipe ont observé que, chez la souris, les bactéries Clostridium induisent dans l’intestin la production d’interleukine 22 (IL-22), une protéine ayant pour rôle de transmettre des messages entre les cellules du système immunitaire. Concrètement, l’IL-22 agit en réduisant la perméabilité de la paroi intestinale, ce qui a pour effet de limiter la quantité d’allergènes (ici l’arachide) atteignant le sang. En bout de ligne, la sensibilisation à l’arachide est évitée.
L’hypothèse hygiénique
Elle suppose que l’exposition à une variété de micro-organismes pendant l’enfance permet à notre système immunitaire de se développer adéquatement, entre autres en permettant l’établissement de notre flore intestinale (III). Or, les dernières décennies ont été marquées par l’hygiène sous toutes ses formes : décontamination de l’eau, pasteurisation du lait, hausse marquée de l’utilisation des antibiotiques (particulièrement chez les enfants), vaccination, élimination des germes dans notre environnement (IV, V). Bref, notre monde est de plus en plus propre. Et les conséquences potentielles sont nombreuses : augmentation du nombre de personnes asthmatiques, diabétiques et allergiques.
Dans l’éventualité où les résultats de l’équipe de Cathryn Nagler étaient transposables à l’homme, cela pourrait vouloir dire que la présence des bactéries Clostridium dans notre flore intestinale n’est plus la même qu’auparavant. L’augmentation de la perméabilité de la muqueuse de notre intestin, liée à la diminution du genre Clostridium, favoriserait donc le développement des allergies alimentaires. L’hypothèse hygiénique prendrait tout son sens. Notons cependant qu’une multitude de facteurs, dont plusieurs sont encore inconnus, peuvent intervenir sur la composition de la flore intestinale.
Mais voilà que bien que les résultats présentés ici soient très prometteurs, ils ont été obtenus chez la souris et non chez l’homme. De plus, un seul allergène, l’arachide, a été testé. Bien que nous supposions que les résultats soient les mêmes avec d’autres allergènes alimentaires, il est impossible de l’affirmer avec certitude. De plus, la recherche sur les probiotiques et sur la flore intestinale n’en est qu’à ses débuts. Peut-être découvrirons-nous d’autres espèces bactériennes qui pourraient elles aussi affecter la perméabilité intestinale. Pour toutes ces raisons, la mise au point d’une pilule de probiotiques pouvant prévenir, voire traiter les allergies alimentaires n’est pas pour demain… mais peut-être la verrons nous apparaître dans un avenir rapproché!
Références
(I) Stefka AT et coll. Commensal bacteria protect against food allergen sensitization. PNAS, 9 septembre 2014, 11(36):13145-13450.
(II) Agence de la santé publique du Canada. Clostridium spp. – Fiche technique santé et sécurité : agents pathogènes.http://www.phac-aspc.gc.ca/lab-bio/res/psds-ftss/clostridium-spp-fra.php (consulté le 3 novembre 2014).
(III) Mayo Clinic. Does childhood exposure to germs help prevent asthma?. (consulté le 6 novembre 2014).
(IV) UCLA Food & Drug Allergy Care Center. About allergies – Why are allergies increasing? (site consulté le 2 novembre 2014).
(V) Okada H et coll. The « hygiene hypothesis » for autoimmune and allergic diseases: an update. Clin & Exp Immunol, 2010, 160:1-9.