Les habitudes de consommation du gluten pourraient-elles influencer l’apparition de la maladie cœliaque?

Par Katia Vermette, rédactrice

On estime que 1 % de la population souffre de la maladie cœliaque à travers le monde [1]. Il n’y a pas si longtemps, on croyait que la maladie se développait seulement chez les individus blancs d’origine européenne. Or, on observe aujourd’hui des cas partout sur la planète, quel que soit le pays où l’on se trouve [2]. Sachant que le blé constitue l’une des céréales les plus consommées dans le monde, on peut se demander dans quelle mesure les habitudes de consommation du gluten influencent le développement de la maladie.

Des chiffres à la hausse

Une multitude d’études épidémiologiques visant à déterminer la prévalence de la maladie cœliaque ont été menées au cours des dernières années. Ces études ont notamment montré que le nombre d’individus atteints de la maladie a augmenté dans les pays développés. En Finlande par exemple, la prévalence a presque doublé en l’espace de deux décennies, passant de 1,05 % en 1978-1980 à 1,99 % en 2000-2001 [3]. Plus près de nous, aux États-Unis, le nombre de cœliaques est 5 fois plus important aujourd’hui qu’il y a à peine 30 ans [4].

Pour expliquer cette hausse, les spécialistes avancent l’évolution de la médecine [2]. Il est vrai que dans les années 1990, n’ayant pas accès à des tests sanguins précis comme aujourd’hui, le diagnostic de la maladie s’avérait beaucoup plus laborieux. Les critères diagnostiques sont également beaucoup plus précis maintenant; on pose donc le diagnostic de maladie cœliaque plus facilement.

Malgré tout, la médecine ne peut expliquer à elle seule l’augmentation du nombre de cas de maladie cœliaque autour du globe. Des facteurs génétiques et environnementaux entreraient aussi en ligne de compte. On pense par exemple que la quantité du gluten consommé au sein d’une population influencerait l’apparition de la maladie.

Quand le gluten rend malade

Le blé, céréale qui contient du gluten, constitue la base de l’alimentation de plusieurs populations à travers le monde. Et on en consomme de plus en plus. Aux États-Unis par exemple, une personne mangeait quelque 61 kg de blé par année en 2008, une augmentation de 11 kg par rapport à 1970 [5]. Mais ce n’est pas tout…

En 1987, le chercheur Faisal A. Khuffash et ses collaborateurs ont observé que la maladie cœliaque était trois fois plus fréquente chez les enfants d’origine palestinienne vivant au Koweït que chez les Koweïtiens [6]. Les auteurs ont expliqué ces résultats par le fait que le blé constitue la base de l’alimentation des Palestiniens alors que le riz prédomine chez les Koweïtiens.

Plus récemment, l’équipe du professeur Mustalahti a analysé des échantillons de sang provenant de 29 212 adultes et enfants de la Finlande, de l’Allemagne, du nord de l’Irlande et de l’Italie [7]. La prévalence moyenne de la maladie cœliaque se chiffrait à 1 % ou 1,5 % dans la population analysée, dépendamment de la méthode de calcul utilisée. Par contre, lorsqu’on examinait les résultats par pays, on observait d’importants écarts. En effet, la Finlande montrait une prévalence de 2,4 % ou 2,6 % alors que pour l’Allemagne, à peine 0,3 % ou 0,5 % de la population à l’étude présentait la maladie. Les chercheurs ont associé ces inégalités à des facteurs génétiques et environnementaux, parmi lesquels on retrouve par exemple l’alimentation durant l’enfance.

Ainsi, l’allaitement constituerait un facteur de protection contre la maladie cœliaque lorsqu’il est maintenu pendant l’introduction progressive du gluten [8]. De plus, une étude menée en Suède a montré que le fait d’introduire plus hâtivement le gluten dans l’alimentation du bébé, soit vers 4 mois au lieu de 6 mois, permettait de réduire l’incidence de la maladie chez les enfants [9].

Bien que les résultats présentés ici s’avèrent très intéressants, ils reposent sur un nombre limité d’études dont les données ne peuvent être extrapolées pour le moment. Néanmoins, les habitudes de consommation du gluten semblent constituer un facteur non négligeable dans le développement de la maladie.

 

[1] World Gastroenterology Organization. http://www.worldgastroenterology.org/guidelines/global-guidelines/celiac-disease/celiac-disease-english (consulté le 18 mai 2016).
[2] Kang J. Y. et coll. Systematic review:worldwide variation in the frequency of celiac disease and changes over time. Aliment Pharmacol Ther, 2013; 38:226-45.
[3] Lohi S. et coll. Increasing prevalence of celiac disease over time. Aliment Pharmacol Ther, 2007;26:1217-1225.
[4] Catassi C. et coll. Natural history of celiac disease autoimmunity in a USA cohort followed since 1974. Ann Med, 2010;42:530-38.
[5] Kasarda D. D. et coll. Can an increase in celiac disease be attributed to an increase in the gluten content of wheat as a consequence of wheat breeding? J Agricult Food Chem, 2013;61:1155-59.
[6] Khuffash F. A. et coll. Celiac disease among children in Kuwait: difficulties in diagnosis and management. Gut, 1987;28:1595-99.
[7] Mustalahti K. et coll. The prevalence of celiac disease in Europe: Results of a centralized, international mass screening project. Ann Med, 2010;42:587-95.
[8] Ivarsson A. et coll. Breast-feeding protects against celiac disease. Am J Clin Nutr, Mai 2002, 75(5):914-21.
[9] Carlsson A. et coll. Prevalence of celiac disease: before and after a national change in feeding recommendations. Scan J Gastroenterol, 2006;41:553-58.