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L’allergie à l’iode : mythe ou réalité?

Par Katia Vermette, rédactrice

Alice est allergique à l’iode. Du moins, c’est ce qu’elle affirme. Lors d’un récent examen radiologique, on lui a injecté un médicament contenant de l’iode. Quelques minutes plus tard sont apparues une urticaire, des nausées et des difficultés respiratoires. Une réaction allergique, lui a-t-on dit. Mais l’iode est-il vraiment à l’origine de des symptômes d’Alice?

1. Qu’est-ce que l’iode?

L’iode est un micronutriment essentiel au bon fonctionnement du corps humain. On le retrouve notamment dans la composition des hormones thyroïdiennes, qui assurent de multiples fonctions dans l’organisme (régulation de la température corporelle, croissance, développement du système nerveux, etc.).

2. L’allergie à l’iode existe-t-elle vraiment?

Non. L’iode est un élément indispensable à l’être humain. Une allergie à l’iode est donc impossible.
Mais… même si l’allergie à l’iode n’existe pas, on peut tout de même être allergique à des produits (médicaments ou aliments) qui en contiennent. Comme nous le verrons plus loin, le système immunitaire ne réagit pas à l’iode à proprement parler, mais bien à des substances allergènes retrouvées dans ces produits.

3. Quels produits contenant de l’iode associe-t-on à l’apparition de réactions allergiques?

Les aliments. Les poissons, les fruits de mer et le sel de table ont tous quelque chose en commun : on y retrouve de l’iode. Les œufs, le porc, les épinards et le lait en contiennent également.

Les produits de contraste iodés (PCI). Il s’agit de substances utilisées en radiologie et en imagerie médicale qui, lorsqu’elles sont injectées à un patient, permettent de mieux visualiser certaines parties du corps telles que les organes ou les vaisseaux sanguins.

Les désinfectants à base d’iode. Les propriétés désinfectantes et antibactériennes de l’iode sont connues depuis longtemps. Ainsi, plusieurs antiseptiques retrouvés sur le marché contiennent de l’iode. C’est le cas par exemple de la Bétadine® et de la Proviodine®.

Rappelons que l’iode n’est pas en cause dans l’apparition de réactions allergiques à ces différents produits et que les substances allergènes diffèrent d’un produit à l’autre. Ainsi, une personne peut par exemple réagir à un PCI et pouvoir consommer sans problème des fruits de mer.

4. Les désinfectants à base d’iode peuvent-ils provoquer des réactions allergiques?

Oui. La plupart des antiseptiques à base d’iode contiennent de la povidone. C’est cette substance, et non pas l’iode, qui est responsable de l’apparition des symptômes d’allergie. On estime qu’une allergie de contact apparaîtrait chez 0,4 % des individus utilisant ce type de produits[1]. Les réactions se limiteraient le plus souvent à de l’eczéma, quoique l’on ait rapporté des réactions sévères et des décès dans la littérature[2].

5. Les PCI peuvent-ils provoquer des réactions allergiques?

Oui. Au cours des dernières décennies, plusieurs études ont rapporté des effets secondaires suivant l’administration de PCI. En moyenne, ces effets surviennent chez 1 % à 12 % des personnes à qui l’on injecte ce type de médicaments[3]. Si l’on se concentre sur les réactions allergiques sévères et potentiellement mortelles, on parle plutôt d’une incidence variant entre 0,04 % et 0,22 % selon le médicament utilisé[4].

Il est à noter que l’iode n’est pas en cause dans l’apparition d’une allergie aux PCI. Par contre, on n’a pas encore identifié la ou les substances allergènes.

6. Existe-t-il un lien entre l’allergie aux PCI et l’allergie aux fruits de mer?

Non. La confusion s’est installée dans les années 1970, alors qu’une étude montrait que 6 % des individus présentant une réaction allergique sévère à un PCI étaient également allergiques aux fruits de mer[5]. Dans cette même étude, on concluait aussi que 6 % de ceux qui réagissaient aux PCI étaient asthmatiques, que 7 % d’entre eux avaient déjà présenté une urticaire de cause inconnue et que 6 % vivaient avec une allergie quelconque. L’histoire ne dit cependant pas que l’allergie aux fruits de mer était la seule à constituer une catégorie à part entière dans l’étude. Les résultats, combinés au fait que l’on retrouve de l’iode autant dans les fruits de mer que dans les PCI, ont donc probablement favorisé la naissance du mythe de l’allergie à l’iode.

Aujourd’hui, on sait que la présence d’une allergie alimentaire, que ce soit aux fruits de mer, aux œufs, au lait de vache ou à un autre aliment, constitue un facteur de risque dans l’apparition d’une allergie aux PCI[6].

Tout compte fait, Alice n’est pas allergique à l’iode, mais bien à une substance contenue dans le médicament qu’on lui a injecté. L’allergie à l’iode, tout comme l’association entre l’allergie aux PCI et aux fruits de mer, relève donc du mythe.

[1] Dewachter, P. et Mouton-Faivre, C. (2015). Allergie aux médicaments et aliments iodés : la séquence allergénique n’est pas l’iode. La Presse Médicale, 44:1136-1145. DOI 10.1016/j.lpm.2014.12.008
[2] Dewachter, P. et Mouton-Faivre, C. (2015). Allergie aux médicaments et aliments iodés : la séquence allergénique n’est pas l’iode. La Presse Médicale, 44:1136-1145. DOI 10.1016/j.lpm.2014.12.008
[3] Beaty, A. D. et coll. (2008). Seafood allergy and radiocontrast media: are physicians propagating a myth? The American Journal of Medicine, 121, 15.e1-158.e4. DOI 10.1016/j.amjmed.2007.08.025
[4] Berner, J. et coll. (2009). Réactions aux produits de contraste iodés : quelles mesures préventives? Revue médicale suisse, 5:2016-2021. Repéré à https://www.revmed.ch/RMS/2009/RMS-221/Reactions-aux-produits-de-contraste-iodes-quelles-mesures-preventives
[5] Schabelman, E. et Witting, M. (2009). The relationship of radiocontrast, iodine, and seafood allergies: a medical myth exposed. The Journal of Emergency Medicine, 39(5):701-707. DOI 10.1016/j.jemermer.2009.10.014
[6] Berner, J. et coll. (2009). Réactions aux produits de contraste iodés : quelles mesures préventives? Revue médicale suisse, 5:2016-2021. Repéré à https://www.revmed.ch/RMS/2009/RMS-221/Reactions-aux-produits-de-contraste-iodes-quelles-mesures-preventives