Qui peut intervenir lors d’une réaction allergique sévère?

Par Katia Vermette, rédactrice

Par une belle journée printanière, vous profitez du soleil sur la terrasse d’un bistro. La température clémente en a convaincu plusieurs de faire comme vous, car l’endroit est bondé. Les gens semblent heureux de pouvoir enfin profiter de l’extérieur sans avoir à enfiler tuque, bottes et mitaines. Soudain, l’homme assis près de vous se retourne, paniqué.

Il a du mal à respirer, ses lèvres sont enflées et il cherche désespérément le regard de quelqu’un qui pourrait l’aider. Ses symptômes ressemblent à ceux d’une réaction allergique, d’un choc anaphylactique. L’homme réussit tant bien que mal à sortir de sa poche son auto-injecteur d’épinéphrine, mais il est incapable de se l’administrer. Alors que personne ne semble savoir comment réagir, vous avancez vers lui afin d’injecter le médicament qui pourrait bien lui sauver la vie. Or… pouvez-vous intervenir dans une telle situation? Allergie Québec a voulu faire le point sur la question.

D’entrée de jeu, il faut savoir que, lorsqu’une réaction allergique survient, le temps devient un enjeu de taille. En effet, plus vite on administre l’épinéphrine après l’apparition des premiers symptômes, meilleures sont les chances de survie[1]. Et si la personne qui subit l’anaphylaxie est incapable de s’administrer elle-même le médicament, quelqu’un doit le faire à sa place. Mais qui?

Puis-je administrer un auto-injecteur d’épinéphrine?

Oui. Le Règlement sur les activités professionnelles pouvant être exercées dans le cadre des services et des soins préhospitaliers d’urgence stipule qu’en l’absence des services d’urgence, par exemple un premier répondant ou un technicien ambulancier, « toute personne peut administrer l’adrénaline lors d’une réaction allergique sévère de type anaphylactique à l’aide d’un dispositif auto-injecteur »[2]. Même si vous n’êtes pas médecin. Même si vous n’avez pas suivi de cours de premiers soins. Même si vous ne connaissez pas la personne allergique.

Suis-je légalement tenu d’aider une personne présentant une réaction allergique?

Oui. Selon la Charte des droits et libertés de la personne, « toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant de l’aide physique nécessaire et immédiate, à moins d’un risque pour elle ou pour les tiers ou d’un autre motif raisonnable »[3]. Ainsi, à moins de circonstances exceptionnelles, toute personne se doit de porter secours ou de chercher du secours lorsqu’elle est témoin d’une réaction allergique sévère ou d’une anaphylaxie.

Puis-je me faire poursuivre en justice en cas d’erreur?

Non. Si vous hésitez à administrer un auto-injecteur d’épinéphrine en cas de réaction allergique sévère, sachez que, selon une disposition particulière du Code civil du Québec, vous ne pouvez être tenu responsable des dommages éventuels que votre intervention pourrait entraîner. C’est ce que l’on appelle la règle du bon samaritain. Il faut toutefois savoir que, comme pour toute bonne règle, il existe des exceptions. Ainsi, vous ne pourrez être poursuivi pour une faute survenue à la suite de l’administration d’un auto-injecteur d’épinéphrine, sauf si :

  • La faute est intentionnelle, c’est-à-dire que vous aviez l’intention de nuire à la personne ou de lui causer un préjudice. Ce pourrait par exemple être le cas si vous retardez l’administration de l’épinéphrine parce que vous détestez l’individu allergique.
  • La faute est lourde, c’est-à-dire si vous agissez avec insouciance, imprudence ou négligence et que vous ne tenez pas compte des intérêts des autres. Ce serait le cas par exemple si vous bousculez un homme en vous rendant vers la personne qui a besoin d’assistance, et que cet homme se casse un bras en tombant.

Ces règles s’appliquent-elles en milieu scolaire?

Oui. Il faut savoir qu’à l’heure actuelle, aucune loi ne vise l’encadrement de l’anaphylaxie en milieu scolaire au Québec. Chaque commission scolaire doit donc mettre en place son propre protocole d’intervention en matière de gestion des réactions allergiques et les intervenants doivent s’y conformer. Malgré tout, n’importe qui peut intervenir en cas d’anaphylaxie, que l’allergie soit ou non confirmée chez l’individu.

Le Ministère de la Santé et des Services sociaux met à la disposition des milieux scolaires une formation de 1,5 h portant sur l’Administration d’épinéphrine pour les réactions allergiques graves de types anaphylactiques[4]. Selon cette formation, la responsabilité relative à la gestion de l’anaphylaxie est partagée entre l’école et ses intervenants. D’une part, les intervenants, qu’ils soient enseignants, orthopédagogues ou secrétaires, doivent respecter le protocole clinique en place dans leur milieu et maintenir à jour leurs compétences. Ainsi, si une anaphylaxie survient, ils pourront intervenir adéquatement. D’autre part, l’école doit s’assurer que les auto-injecteurs d’épinéphrine sont accessibles en tout temps, et qu’ils sont renouvelés avant la date de péremption. L’école doit également permettre à son personnel intervenant de suivre la formation de 1,5 h.

En milieu scolaire, il est fortement recommandé aux enfants présentant des allergies confirmées d’avoir sur place un auto-injecteur d’épinéphrine, ces derniers devant être placés dans un lieu connu des intervenants et hors de la portée des enfants, mais facilement accessible en cas d’urgence (pas sous clé).

Qu’en est-il des milieux de garde?

C’est le Ministère de la Famille qui régit l’administration des médicaments dans les centres de la petite enfance (CPE) et dans les garderies. Contrairement aux autres médicaments qui doivent être entreposés sous clé, l’épinéphrine doit être fournie par le parent dont l’enfant est allergique et « être accessible à toute personne susceptible de l’administrer »[5].

Dans les CPE, les personnes autorisées à utiliser les dispositifs contenant l’épinéphrine sont désignées pour chaque établissement. Dans les garderies en milieu familial, il s’agit de la responsable du service de garde. Ainsi, en cas d’anaphylaxie, seules les personnes désignées sont autorisées à administrer l’épinéphrine.

En cas de doute, intervenez!

Si vous êtes témoin d’une réaction allergique sévère de type anaphylactique, n’hésitez pas à intervenir :

  1. Administrez une dose d’épinéphrine à l’aide de l’auto-injecteur en cas d’apparition d’un symptôme grave OU d’une combinaison de symptômes légers affectant plus d’un système de l’organisme. (voir tableau des symptômes d’anaphylaxie ci-dessous)
  2. Appelez le 911.
  3. En cas de malaise ou d’étourdissement, étendez la personne sur le dos, soulevez ses jambes et gardez-les surélevées. En cas de nausées, de vomissements ou de difficultés respiratoires, laissez la personne s’asseoir ou se coucher sur le côté.
  4. Administrez une deuxième dose d’épinéphrine aussi rapidement que 5 minutes après l’injection de la première dose si les symptômes ne s’améliorent pas.
  5. Faites transporter immédiatement la personne à l’hôpital en ambulance.

La personne qui a reçu de l’adrénaline doit être conduite immédiatement à l’hôpital, car un traitement d’appoint peut être indiqué et une deuxième réaction (réaction biphasique) peut survenir quelques heures après la première. Une surveillance médicale étroite est donc nécessaire.

Les autres médicaments comme les antihistaminiques (ex. : Benadryl®) ou les médicaments à action rapide pour l’asthme (ex. : bronchodilatateurs de type Ventolin®) ne doivent pas être considérés comme des médicaments de première ligne.

En terminant, rappelez-vous que même si certains effets secondaires peuvent survenir après une injection d’adrénaline (pâleur, palpitations, tremblements, étourdissements, faiblesse, maux de tête, nervosité, anxiété, arythmie cardiaque), les bienfaits de ce médicament dépassent largement les inconvénients liés à son utilisation. Effectivement, l’épinéphrine diminue non seulement la sévérité de la réaction allergique et le risque d’une présentation biphasique, mais également la mortalité associée.

Comment reconnait-on l’anaphylaxie?

Voici le tableau des symptômes

SYSTEMESSYMPTOMES
LEGERS
Nez et yeux
(système respiratoire supérieur)
Nez : éternuements,  écoulements, démangeaisons
Yeux : démangeaisons, écoulements
PeauUrticaire légère, démangeaisons légères (bouche, etc.)
Système
digestif
Faible nausée, inconfort
SYMPTOMES
GRAVES
PoumonsEssoufflement, respiration sifflante, toux persistante
CoeurPâleur, peau bleutée, faiblesse, pouls faible, étourdissement
GorgeSerrement, voix rauque, difficultés à respirer, difficultés à
avaler
BoucheEnflure marquée de la langue et/ou des lèvres
PeauUrticaire importante sur le corps, rougeur répandue, enflure des
paupières et/ou du reste du visage
Système
digestif
Vomissements à répétition, diarrhée grave
AutresSentiment de malheur imminent, anxiété, confusion

[1] http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1398-9995.2008.01733.x/epdf
[2] Règlement sur les activités professionnelles pouvant être exercées dans le cadre de services et soins préhospitaliers d’urgence. L.R.Q. 2006, c M-9, r-2, art 3.
[3] Charte des droits et libertés de la personne. L.R.Q. 1975, c 6, art 2
[4] Ministère de la santé et des Services sociaux. (2016). Administration d’épinéphrine pour les réactions allergiques graves de type anaphylactiques : Formation s’adressant aux intervenants scolaires, personne dont l’allergie est connue (1,5 h) MAJ 2016 [PDF]. Repéré à https://www.oiiq.org/sites/default/files/uploads/pdf/pratique_infirmiere/sante_scolaire/2016-document-soutien-epinephrine.pdf 
[5] Ministère de la Famille. (2014). Administration de médicaments. Repéré à https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/services-de-garde/cpe-garderies/sante-securite/administration-medicaments/Pages/index.aspx