Les personnes allergiques peuvent-elles manger à l’hôpital en toute sécurité?

Par Katia Vermette

Les centres hospitaliers sont les lieux par excellence pour traiter une réaction allergique de type anaphylactique. Pourtant, les personnes allergiques s’y rendent pour d’autres raisons, que ce soit en tant que visiteur ou patient. Quelles sont les mesures en place par le service alimentaire et les aires de restauration pour assurer leur sécurité?

Jasmine vit avec la maladie cœliaque et ne peut consommer aucune trace de gluten. Lorsqu’elle a accouché de son premier enfant, elle a donc pris le temps d’informer l’équipe soignante de ses allergies, lesquelles ont immédiatement été notées à son dossier. Le lendemain matin, la nouvelle maman fut très surprise de constater le contenu de son plateau-repas : un café et deux emballages de beurre d’arachide… sans rôties.

Malheureusement, l’histoire de Jasmine n’est pas un cas isolé. Selon toute vraisemblance, les hôpitaux du Québec n’appliqueraient pas tous les mêmes mesures en matière de gestion des restrictions alimentaires. Quelles exigences ces établissements de santé doivent-ils remplir afin d’assurer la sécurité de leurs usagers?

La préparation des aliments sous la loupe du MAPAQ

Au Québec, tous les établissements qui préparent des aliments destinés à la consommation humaine, y compris les hôpitaux, doivent respecter le Règlement sur les aliments, notamment en ce qui concerne l’hygiène et la salubrité alimentaires. Il revient au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) de s’assurer de son application.

Le Règlement sur les aliments exige par exemple que le service alimentaire et les aires de restauration dans les centres hospitaliers soient administrés par une personne ayant complété et réussi une formation de gestionnaire d’établissement alimentaire (article 2.2.4.1). En outre, chaque service doit s’assurer que[1] :

  1. La personne responsable ou un membre de son équipe ayant complété sa formation de manipulateur d’aliments soit présent sur les lieux, et ce, en tout temps pendant les heures d’ouverture (article 2.2.4.2);
    OU
  2. Au moins 10 % du personnel ait complété et réussi la formation de manipulateur d’aliments (article 2.2.4.2).

Évidemment, ces exigences constituent la base afin de certifier l’hygiène et la salubrité dans le service alimentaire et les aires de restauration dans les centres hospitaliers. Elles ne sont cependant pas suffisantes pour assurer la sécurité des personnes allergiques.

Au Québec, il n’existe aucune loi, aucun règlement, aucune norme entourant précisément la gestion des allergies alimentaires dans les hôpitaux. Il revient donc à chaque établissement de mettre en place les mesures qui lui semblent appropriées afin d’assurer la sécurité de ses usagers.

Les exemples du CHUM et du CHU Sainte-Justine

Au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et au CHU Sainte-Justine, où certains employés des services alimentaires ont suivi la cyberformation, Gestion des allergies d’Allergies Québec, plusieurs filets de sécurité ont été mis en place au fil du temps afin d’assurer la sécurité des personnes allergiques. En voici quelques-uns :

  • Pour les patients hospitalisés qui vivent avec des allergies alimentaires
    Du côté du département du service alimentaire des deux hôpitaux, on utilise des logiciels de gestion qui facilitent entre autres la logistique entourant les allergies alimentaires. « Une fois qu’un allergène est associé à un produit dans le logiciel, ce produit n’arrivera jamais sur le coupon-repas du patient allergique », confirme Caroline Champoux, spécialiste en procédés administratifs – Nutrition au service de diététique du CHU Sainte-Justine.
    Concrètement, lorsque le patient hospitalisé déclare une allergie alimentaire, cette dernière est inscrite à son dossier et dans le logiciel de gestion. Ce faisant, l’allergène du patient est éliminé de son menu. Afin de réduire le risque au minimum pour le patient, des visuels (logos, message, etc.) précisant l’allergie sont ajoutés aux coupons-repas et une validation finale du plateau est effectuée par un membre de l’équipe du service alimentaire.
  • Pour les visiteurs allergiques
    Afin d’élargir l’offre alimentaire pour les visiteurs allergiques, le CHU Sainte-Justine offre maintenant des repas préparés et congelés de la Cuisine à Christine. Ces plats sont offerts aux visiteurs et sont exempts des allergènes prioritaires.

Du côté du CHUM, on privilégie la préparation des repas sur place, en cuisine. « On essaie le plus possible de produire tous nos mets ici, au CHUM, ce qui assure un meilleur contrôle des ingrédients qui entrent dans la composition des repas », précise Geneviève Dulude, chef de secteur – Restauration des services alimentaires au CHUM. En effet, plusieurs plats préparés en cuisine sont portionnés et vendus dans les aires de restauration. Sur l’emballage de tous ces plats figure la liste des ingrédients utilisés dans leur préparation[2].

Certaines mesures mises en place au CHUM et au CHU Sainte-Justine peuvent contribuer à réduire le risque pour les patients allergiques et donnent la possibilité aux visiteurs vivant avec des allergies alimentaires de faire des choix éclairés et de manière autonome. Mais elles ne constituent toujours pas la norme.
Si vous êtes allergique, la meilleure manière de connaître les mesures en place en matière de gestion des allergies alimentaires dans l’hôpital de votre région est de vous informer. Posez des questions au département du service alimentaire et interrogez les employés des aires de restauration. Et, qui sait, peut-être ferez-vous changer les choses!

Allergies Québec offre une cyberformation accessible et concise, conçue pour les services alimentaires. Vous souhaitez en savoir plus? Cliquez ce lien.

Pour aller plus loin :
• Des employés du service alimentaire au CHU Sainte-Justine formés par Allergies Québec
• Éviter la contamination des mains, de la vaisselle et des surfaces : Zoom sur les techniques de nettoyage
• Remplacer les aliments allergènes dans vos recettes
• Trucs et astuces pour limiter la contamination croisée : De l’achat des aliments au service des repas
• Bien comprendre l’étiquette des aliments pour savoir y repérer les allergènes

[1] Les formations de gestionnaire d’établissement alimentaire et de manipulateur d’aliments sont sous la responsabilité du MAPAQ et incluent un volet sur la contamination alimentaire.
[2] Il est à noter que, selon la réglementation sur l’étiquetage des allergènes alimentaires, une liste des ingrédients doit apparaître sur chaque produit préemballé vendu au Canada. La présence d’allergènes, de gluten et de sulfites doit également être déclarée sur l’étiquette du produit.