Gestion des allergies alimentaires en milieu scolaire, le témoignage d’une maman

Je suis la mère d’un petit garçon de 9 ans, Guillaume, polyallergique (œufs, lait, arachides) et intolérant au gluten (maladie cœliaque). Depuis sa rentrée à l’école primaire, je suis confrontée à de nombreuses problématiques de gestion des allergies.

Je vous livre mon témoignage en espérant qu’il aide à sensibiliser les intervenants dans les écoles primaires.

Autant j’avais été agréablement surprise par l’entière collaboration de notre CPE qui visait à créer un environnement sécuritaire et épanouissant pour Guillaume, autant j’ai été déçue par les mesures de sécurité déficientes des écoles primaires.

Nous avons fait face à des problèmes dès la première la rentrée en maternelle. La première journée avait commencé par une collation spéciale de crème glacée servie à toute l’école dans la cour, sans qu’on m’en ait avertie. Heureusement, j’étais présente, mais malgré cela un contact a eu lieu avant que je puisse intervenir. J’ai ramené mon fils à la maison pour lui donner du Benadryl, où il a dû y passer le reste de la journée. Pas facile pour une première rentrée et rien pour me rassurer. En revanche, grâce à l’ouverture d’esprit du professeure de maternelle, j’ai été prévenue chaque fois que des collations étaient servies. L’attitude de la professeure de 1re et 2e année a aussi facilité les choses. Mais, je dois dire qu’outre ces exceptions, la situation a été assez difficile.

L’approche de l’école pour la gestion des allergies se résume, en gros, à envoyer une lettre type à tous demandant à tous les parents de ne pas envoyer des collations et des repas contenant des allergènes. On y interdit totalement les arachides et les noix et on y liste les allergies des enfants dans les classes respectives. Dans le cas de Guillaume, on demandait donc aux 24 parents de ne pas envoyer de collations et de repas contenant du lait, des arachides et des œufs… ce qui ne fait pas de sens et frustre avec raison les autres parents. J’avais réussi en 2e année à faire modifier la lettre, mais un changement d’infirmière a fait en sorte que la lettre de 3e année soit envoyée sans modification. À la rencontre de début d’année, j’ai donc expliqué de vive voix aux parents que les aliments contenant des œufs étaient les plus problématiques vu la sévérité de l’allergie de mon fils. Je leur ai demandé d’éviter les collations propices aux dégâts et de sensibiliser leurs enfants à la contamination.

Depuis la maternelle, j’ai essayé de mettre en place des mesures d’hygiène, comme le lavage de main après les repas, mais à cause de la pénurie de lavabos et de la gestion de l’école cela n’a pas été possible. En 3e année par chance, un lavabo juste à côté de la classe a grandement facilité les choses et les amis de mon fils allaient eux-mêmes se laver les mains lorsqu’ils prenaient des collations contenant des allergènes.

Par contre au service de garde, la problématique est toujours présente et je recommence à zéro avec chaque nouveau professeur. En début de 4e année, je n’ai eu que quelques minutes pour parler à l’enseignante, dans la cour. Je me comptais chanceuse, car dans certains cas, j’ai dû attendre environ 2 semaines avant de pouvoir parler au nouveau professeur.

En début de 3e année, comme chaque année, j’avais rencontré la professeure pour lui expliquer la situation de mon fils. De son initiative, mon garçon a aussi fait une petite présentation devant les autres élèves pour les sensibiliser. En général, les autres enfants font attention lorsqu’ils mangent des collations avec allergènes en classe.

L’école communique avec moi concernant les allergies de Guillaume uniquement via le plan d’intervention, en m’envoyant une demande d’autorisation d’avoir recours à l’auto-injecteur en cas de réaction. Mon fils porte son Epipen sur lui en tout temps et je glisse aussi dans sa pochette des comprimés de Benadryl qu’il est capable de prendre seul en cas de contact. Il faut dire que les contacts sont possibles et que bien que le contact seul ne soit pas dangereux pour sa vie, il a des réactions cutanées et le risque de contamination croisée existe. Guillaume est très conscient de sa situation; je peux lui faire entièrement confiance en ce qui à trait la nourriture offerte. Il est également conscient des premiers signes d’une réaction et sait quoi faire. Ceci dit, il est clair que des contaminations sont communes, malgré tous les efforts comme en témoigne son eczéma sévère sur les mains en particulier.

Pour limiter les risques et les réactions, mon fils dîne à la maison dans la mesure du possible. Lorsqu’il était en 2e année, il n’a pas pu manger son dîner 3 fois (sur peut-être 35 dîner) à cause de la contamination croisée. Comme il n’y avait pas de place à part, à moins de le mettre seul dans le couloir, il mangeait à la même table que ses amis et parfois certains faisaient passer leurs aliments au-dessus de son assiette. Étant très conscient des risques de contamination par les miettes, il s’est alors contenté de boire son lait de soya et de manger sa compote de pommes. Je n’aurais pas été au courant de cette situation si mon fils de 8 ans ne me l’avait pas raconté. En 3e année, j’ai donc demandé qu’il mange à une table séparée, ce fut possible, mais seulement grâce à une demande officielle.

Le service de garde pose problème aussi. On m’avait informé qu’il fournissait la collation du soir, soit des légumes ou des fruits. Or ce n’est pas le cas. Dès la 2e année, à la demande du service, j’ai dû fournir un sac de collations non périssables.

Je me suis même fait réprimander de ne pas y avoir pensé fournir des collations sécuritaires, alors qu’on m’avait pourtant dit que les collations fournies par le service étaient sécuritaires… Au final, depuis la 2e année, toutes les fois que j’envoie mon fils au service de garde, il mange des trucs non périssables, sans qu’on prenne la peine de lui offrir des fruits et légumes frais qu’il peut consommer.

En fin de 3e année, on avait annoncé une collation spéciale, sans préciser laquelle. Par hasard, j’ai su, quelques jours avant, que la dite collation serait de la crème glacée. J’ai été déçue qu’on n’ait pas pris la peine de m’avertir pour que je prenne des précautions. J’ai donc rencontré la nouvelle directrice pour la sensibiliser à cette problématique. J’ai été déçue par son manque ouverture. Elle m’a dit qu’elle ne pouvait pas m’avertir et que c’était ma responsabilité de m’informer. J’ai essayé d’expliquer que ma demande se limitait à cet évènement spécial en particulier vu la quantité importante d’allergène et le fait que cette collation allait être servie dans la cour et non à des tables augmentant ainsi le risque de réaction. Elle me dit que l’information avait été envoyée dans l’infoparent courriel, ce dont je ne me rappelais pas. La rencontre s’est mal terminée et je suis sortie du bureau complètement chamboulée, me sentant comme une mère surprotectrice qui en demandait trop. Par la suite, j’ai vérifié l’infoparent sans y voir la mention de crème glacée et revérifié avec la secrétaire si ça avait été mentionné. Je lui ai demandé s’il serait possible d’écrire le contenu des collations spéciales dans les infos-parents à l’avenir. La directrice est arrivée, à ce moment; elle était choquée que je revienne parler de la problématique et m’a demandé de quitter! J’ai gardé mon calme et lui ai expliqué que je désirais simplement faire de la sensibilisation et que contrairement à ce qu’elle avait affirmé la veille, l’information en question n’avait pas été mise dans l’infoparent.

Quelques jours plus tard, ayant comme chaque fin d’année, reçu le plan d’intervention à signer, j’ai décidé de contacter l’infirmière pour lui parler des problématiques vécues. J’ai donc rajouté la demande d’information au plan d’intervention. Je trouve dommage de devoir utiliser cette voie officielle pour quelque chose qui me semble pourtant si simple.

À mon avis, certaines écoles se déresponsabilisent. L’approche d’interdiction des allergènes est louable et nécessaire pour les cas sévères d’allergies, toutefois, si elle s’applique pour les arachides, elle est mal adaptée aux autres allergènes. Elle crée un sentiment de fausse sécurité. Il est utopique que des centaines de parents d’enfants non allergiques lisent toutes les étiquettes en détail avant de faire le lunch de leurs enfants. Leur demander d’omettre plusieurs allergènes des lunchs augmente leur frustration et, du coup, nuit à l’intégration des enfants allergiques. Sans compter que même en cas de restriction des allergènes, les enfants allergiques doivent demeurer vigilants ne serait-ce qu’à cause du risque de contaminations par les vêtements, pour ne nommer qu’un exemple. À mon avis, la gestion des allergènes devrait inclure des mesures tels que de lavage de main et la restriction des aliments aux lieux adaptés (par exemple, une table de dîner ou une table spécifique pour les collations en classe). De plus, les services de garde devraient être informés au même titre que tout le personnel scolaire sur les mesures à prendre.

L’enfant allergique se responsabilise tranquillement face à la gestion de ses allergies et devrait être totalement autonome rendu à l’école secondaire. Toutefois, c’est une responsabilité qui ne devrait pas peser sur les épaules d’un enfant de 5 ans entrant à la maternelle. Une meilleure gestion des allergènes est essentielle, non seulement pour la sécurité des enfants allergiques, mais pour faciliter leur intégration. Certes, l’enfant et ses parents ont un grand rôle à jouer, mais l’école doit faciliter le passage vers l’autonomie en mettant en place des mesures simples.

Une maman qui a espoir de de voir la situation évoluer